Il y a de ces coutumes qui traversent des siècles. La dot en est une. Dans la société sénégalaise, elle est incontournable. Mais si la pratique perdure, c’est parce qu’elle revêt une légitimité légale, traditionnelle, au-delà du religieux. Là n’est pas le problème. Le souci avec la dot maintenant, c’est que plus elle est onéreuse, plus elle est appréciable.
Payée par le fiancé, elle permet de sceller une alliance entre deux familles. Aujourd’hui, l’on dit que tout relève du matériel. De plus en plus, des familles réclament une somme onéreuse en échange de leur fille. Ce qui est perçu, comme une sorte de commerce.
Au quartiers des HLM, des cris de joie fusant d’une maison laissent les gens perplexes. La curiosité titillée, l’on vient s’enquérir de la situation. Et, comble d’étonnement les membres de la famille célèbre la dot de leur fille aînée. Le montant qui vaut cette effervescence s’élève à deux millions de francs CFA.
Si des cris de joie accompagnent la dot au Sénégal, pour son caractère onéreux, c’est que le matérialisme est à son comble. La dot a toujours été d’une grande importance. C’est une chose qui ne sévit pas, même avec le temps. Ce qui a changé, c’est l’appréhension que les gens ont sur elle. Avant, le montant en espèces, en bétail ou en matériel, n’avaient aucune incidence sur la célébration du mariage.
Mais aujourd’hui, de plus en plus, l’on a tendance à voir la famille de la fiancée fixer la somme de la dot. Ce qui tout à fait, peut susciter une sensation d’infériorité dans le camp du fiancé. La plupart du temps, il se sent rabaissé. Cela, Ibrahima l’a vécu, et très récemment. « J’ai apporté une dot d’un montant de 500.000frs CFA à ma fiancée ce samedi (ndlr: le Samedi 01 Juillet). Son père m’a rendu ma dot, en me réclamant un million de francs CFA. Il m’a dit sans hésiter qu’il voulait une dot d’un million de francs pour sa cadette, » raconte-t-il. A le voir parler, l’on sent qu’il fait des efforts pour ne pas manifester son mécontentement devant sa fiancée. Elle qui affirme être prise de court par la décision de son père, mais dit ne peut aller contre sa volonté. « J’attends le million de francs CFA assigné à mon fiancé pour me marier, » dit-elle un brin gêné. Ils sont nombreux ceux qui s’attendent à un refus de la part d’Ibrahima. Qu’ils se détrompent. Car, il compte bien aller au bout. « Je compte accorder à mon futur beau-père ce qu’il souhaite. Il aura son million de FCFA. Je le fais pour ma femme. Notre relation ne volera pas en éclats juste pour cela ».
A l’en croire, la dot est devenue source de malentendus. Mouhamadou Lamine soutien que la cupidité de certains en est la cause. « Lorsque j’ai décidé de prendre femme, je lui ai remis trois cent mille francs, histoire de voir sa réaction. Heureusement pour moi, lâche-t-il sourire, elle a accepté la dot, sans une once d’hésitation. Ce n’est que par la suite que je lui ai remis une somme onéreuse parce que sa réaction m’a plu. »
D’après les hommes rencontrés, les femmes sont les seules à accorder de l’importance à la somme. L’opinion de Khady Sylla, la cinquantaine, en est sans doute une preuve, parmi d’autres. « Personne n’est sans savoir que la vie n’est plus ce qu’elle était avant, avance-t-elle. Tout a connu une augmentation. Donc, le montant de la dot doit connaître cet accroissement au même titre que les autres. Naturellement, cela va de soi. Que peut-on faire avec cinq cent mille ? Une telle somme, ne peut assurer aucune cérémonie de mariage, à moins que la fille ne veuille faire une réception. Ce que beaucoup ignorent, c’est que la famille de la fille dépensera le double, voire le triple de ce montant, lors de la cérémonie. Les filles ont pris cette habitude de se vêtir au minimum à trois reprises le jour de leur mariage,» avance-t-elle comme prétexte.
Lorsque l’on réfléchit comme ces femmes, l’on ne peut s’empêcher de se demander si la dot revêt une valeur à la fois économique et symbolique maintenant. Ce qui laisse à penser qu’il s’agit en fait « du prix de la mariée ». Le fiancé offre des présents à la famille de sa fiancée en compensation de la perte de celle-ci. Peut-être en est-elle une raison. Pour Moussa, 29 ans, le malheur c’est de tomber amoureux d’une fille dont les parents ne jurent que par l’argent. Marié il y a un an, il assure que le coup a été rude. « La note a dépassé mes pronostics les plus pessimistes. C’est comme si je devais rembourser les frais d’éducation de ma promise », sourit-il.
Comme sur tous les points de la vie, la religion musulmane n’a pas manqué de se prononcer là-dessus. L’Imam Abdoul Khadre confirme que la dot est inévitable. Mais le montant est loin d’être important. « Elle est relative au mariage la dot. Son caractère obligatoire est immuable. Et c’est un droit qui appartient à la femme. Cependant, il n’est écrit nulle part que c’est à la famille de la future mariée de la fixer. Il appartient à l’homme et à lui seul d’en décider. Il peut donner trois mille francs comme il peut offrir à sa femme tout l’or du monde. »