De Chérif Abdou Aziz Touré, Tivaouane
Les années passent, son nom et son œuvre demeurent. Vingt ans après son rappel à Dieu, El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabakh suscite de plus en plus l’admiration des sénégalais de toutes confessions. Retour sur le parcours d’un homme exceptionnel dont la dimension ne cesse de croître, sous le sceau de la postérité, malgré le poids des années.
Naissance et formation intellectuelle :
Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh est né en 1904. Fils d’Elhadji Malick Sy et de Sokhna Safiétou Niang, il fut le 3e Khalife général des Tidianes. Son père Elhadj Malick Sy fut son premier maître coranique. Mame Abdou fréquenta aussi la daara de Serigne Mbaye Bassine. Il fréquenta également plusieurs centres d’excellence, notamment l’université de Tivaouane, celui de Mbacoumé, dans le Cayor avant de partir à Saint-Louis où il reçut une formation à l’enseignement coranique auprès de Serigne Birahim Diop alors qu’il avait 26 ans. Il séjournera à Saint-Louis jusqu’en 1937. Il terminera ses études supérieures coraniques à Fass Touré auprès de Serigne Hady Touré.
En 1922, Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh a 18 ans lors de la disparition de son illustre père Elhadj Malick Sy.
Un homme au service de l’Islam :
Après ses études, Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh s’illustra non seulement par son érudition mais aussi par ses prêches, son engagement pour la cause islamique, ses nombreux écrits en arabe et une importante biographie de son père, El Hadj Malick Sy. Apôtre de la paix, et grand rassembleur, il effectua une visite de courtoisie mémorable à Touba auprès du Khalif général des mourides Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké le 14 janvier 1939. Cette visite lui valu une convocation du directeur du Bureau politique de la colonie du Sénégal à Saint-Louis. En juillet 1949, le gouverneur du Sénégal offre à Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh un titre de transport pour se rendre à la Mecque. A cette occasion, il est désigné délégué des pèlerins auprès de sa majesté Ibn Saoud, le roi d’Arabie Saoudite. Il effectua le voyage en compagnie de Maître Lamine Gueye, de Serigne Cheikh Mbacké « Gaïndé Fatma, de Serigne Amadou Diéguène de Thiès, d’Elhadj Mactar Gueye, président de l’union fraternelle des pèlerins musulmans du Sénégal et Amadou Assane Boye adjoint au maire de Dakar. A son retour de la Mecque, Mame Abdou fût décoré à Paris de la légion d’honneur par le Ministre de la France d’outre-mer.
Durant son khalifat ( de 1957 à 1997), il fit de nombreux voyages, notamment au Maroc, en Arabie saoudite, aux Etats-Unis, en France, en Mauritanie, suite aux nombreuses sollicitations qu’il reçut, en rapport avec la haute maîtrise qu’il avait du savoir islamique. Pacifique, humble, courtois et discret, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh a su tisser dans les pays arabes, notamment au Maroc et en Arabie Saoudite, un tissu relationnel très solide, avec un seul et unique objectif : consolider la Ummah islamique.
Dabakh accordait aussi une importance capitale au travail. En effet, il comprit très tôt les enseignements de son cher père pour qui le travail était le seul moyen de vivre dignement sans aliéner son statut d’honnête homme. Mame Abdou possédait plusieurs concessions agricoles, en particulier dans la région de Saint-Louis, dont l’exploitation était assurée par ses talibés. Ses efforts consentis dans le développement agricole lui valurent ainsi une décoration au grade de Chevalier du Mérite agricole conféré par un décret en date du 14 février 1950, du Ministre de l’agriculture de la France.
Accession au Khilafat :
Dabakh devient le 3e khalife général des Tidianes le vendredi 29 mars 1957 suite aux disparitions successives de ces deux frères Serigne Babacar Sy le lundi 25 mars et Elhadj Mansour Sy trois jours après. Il fera 40 ans au sommet du Khilafat, 40 ans durant lesquels il aura marqué l’histoire de la nation sénégalaise. Ses prêches mémorables ont souvent été l’occasion d’interpeller les hommes politiques sur leurs responsabilités face au peuple. Dabakh s’est distingué comme le régulateur incontestable de la société sénégalaise, prêchant à tout moment l’union des cœurs, la tolérance, la justice et la foi en Dieu. Son sermon prononcé à l’inhumation de maître Lamine Gueye ancien président de l’Assemblée nationale, a été une satire sur la dynamique sociale dont la thématique s’adapte au contexte actuel.
Elhadj Abdou fut à la fois le modèle de la douceur et de la fermeté, de la tendresse et de la vérité. Des qualités exceptionnelles pour un homme de bonne volonté dont la mission a fait l’unanimité. Il aura marqué son khalifat avec la construction de la grande mosquée de Tivaouane dont les travaux débutèrent le 8 janvier 1979.
Elhadj Abdoul Aziz Sy Dabakh quittera ce bas monde le 14 septembre 1997. Un jour qui aura marqué à tout jamais la mémoire collective des sénégalais à cause du grand vide que l’homme de Dieu a laissé derrière lui. Un jour où même le ciel a tenu à manifester sa tristesse en produisant une brume qui empêchait de voir clair à quelques mètres devant soi.
Aujourd’hui, le Sénégal ravive l’œuvre atemporelle de Dabakh à travers ses sermons, à chaque fois que le pays traverse des jours sombres, pour rappeler se rappeler de l’essentiel : la préservation de la justice et de la paix sociale.