De Alioune Badara SALL, Rufisque
L’école normale William-Ponty est l’école normale fédérale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) qui a formé avant l’ère des indépendances, la plupart des instituteurs, médecins et cadres d’Afrique de l’Ouest, dont de nombreux ministres et chefs d’État ou de gouvernement, tels que Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keïta, Hubert Maga, Mathias Sorgho, Hamani Diori, Mamadou Dia ou Abdoulaye Wade. Plus de 2 0002 élèves, surnommés « Pontins », y sont issus.
L’école a changé plusieurs fois de dénomination, de statut et de localisation. Créée à Saint-Louis en 1903, elle est transférée sur l’île de Gorée en 1913, puis à Sébikhotane, près de Rufisque, en 1937. L’institution se perpétue après l’indépendance, mais perd de sa spécificité avec les réformes du système éducatif, puis la multiplication des Écoles de formation d’instituteurs (EFI).
Vue comme un établissement « prestigieux », un « vivier », une « pépinière » de futurs cadres par les uns, elle est décriée par d’autres comme un instrument idéologique, « jouant le même rôle que l’armée coloniale auprès des tirailleurs », « l’école de la soumission, de la compromission, de l’équilibre à tout prix », voire « le cimetière de l’intelligence africaine ». Au-delà des différentes approches, l’école normale William-Ponty a assurément occupé une place significative dans la vie sociale, culturelle et politique du XXe siècle en Afrique de l’Ouest.
Ecole Normale William Ponty, plusieurs fois délocalisée
Saint-Louis : de 1903 à 1913
Une école normale est officiellement créée à Saint-Louis en novembre 1903. Elle fonctionne d’abord en tant que section de l’école des fils de chefs et des interprètes, dans le quartier de Sor, donc en dehors de l’île, une localisation qui nuit à son succès. En 1907, la section des instituteurs est séparée de celle des interprètes et installée à la rue Porquet, dans l’île désormais, dans des locaux mieux adaptés que l’ancienne école Faidherbe. Le nombre d’élèves en provenance de l’AOF croît de manière significative et l’établissement se trouve bientôt à l’étroit. Plusieurs solutions sont alors envisagées, mais aucune n’aboutit jusqu’au départ vers Gorée en 1913.
À sa création, l’école est placée sous l’autorité du gouverneur général et de l’inspecteur de l’enseignement en AOF. En 1907, elle est placée sous l’autorité directe du gouvernement du Sénégal, puis, en 1912, à la suite d’un conflit, elle revient à nouveau au gouvernement général de l’AOF.
Dès le début et jusqu’à la fin de la période coloniale, l’accès à l’école se fait par concours. Le certificat d’études, d’abord exigé, ne l’est plus à partir de 1904. La difficulté du concours varie selon les années : 30 candidats sur 50 sont admis en 1905, 35 sur 66 en 1910, 10 sur 54 en 1912. Ces chiffres indicatifs ne reflètent pas la sélectivité du concours, car seuls les meilleurs y sont présentés. Un grand prestige est donc attaché à sa réussite. Les élèves sont externes, généralement boursiers. Les premières années, ils sont avant tout sénégalais, mais cette proportion s’inverse par la suite, donnant à l’école son caractère véritablement fédéral. Cependant, à l’exception d’un certificat d’aptitude à l’enseignement, les sortants ne reçoivent pas de véritable diplôme reconnu en dehors de ce conté.
Gorée : de 1913 à1937
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L’École normale d’instituteurs de Saint-Louis est transférée à Gorée le 1er mars 1913 et prend dans un premier temps le nom d’« école normale d’instituteurs de Gorée ». Le 13 juin 1915, le gouverneur général de l’AOF, William Ponty, meurt à Dakar, et quelques semaines plus tard, l’école est rebaptisée en son honneur « école normale William Ponty ». En 1921 l’école est réorganisée, elle intègre l’école d’apprentissage administratif et commercial dite « école Faidherbe » et change d’appellation pour devenir l’« école William Ponty » tout court. Elle comprend en effet désormais trois filières : une section dédiée à la formation des instituteurs, une section générale formant des agents de l’administration et du commerce et une section préparant les candidats à l’école de médecine de l’AOF à Dakar. La section administrative sera supprimée en 1924.
À partir de 1933, les élèves doivent rédiger et soutenir des mémoires de fin d’études sur un sujet de leur choix, connus sous le nom de « Cahiers de Ponty ». 791 de ces travaux sont conservés à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN). Remarquables ou non, ils constituent pour les chercheurs une mine d’informations sur les origines et les centres d’intérêt de leurs auteurs. À titre d’exemple, des élèves originaires de Casamance ont ainsi traité les sujets suivants : L’alimentation indigène en Casamance, Rites funéraires dans le cercle de Ziguinchor, La circoncision chez les Joola ou Une peuplade curieuse en Casamance, les Mankagne. Dans le corpus conservé, les pays les plus représentés sont le Sénégal (232), la Côte d’Ivoire (142), le Soudan (111), le Cameroun (111).
À Gorée, l’école est installée dans un grand bâtiment, connu sous le nom de « maison Lafitte », qui fut construit en 1770 sur la place principale de l’île, la future place du gouvernement, par le négociant bordelais Lafitte. Cette bâtisse est dotée d’une belle façade ornée en plein centre d’une loggia aux arcades sur piliers carrés. Dans l’intervalle, elle avait été agrandie, transformée, louée puis confisquée par l’État, et avait notamment hébergé en 1816-1817 le colonel Schmaltz, nommé gouverneur du Sénégal.
Sébikotane : de 1937 à 1965
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En 1937, l’école est transférée à Sébikhotane, près de Rufisque, dans une ancienne caserne située le long de la ligne de chemin de fer. Sébi William Ponty (ou Séby Ponty) est aujourd’hui le nom du village créé par le personnel africain de l’école. Situé dans la communauté rurale de Yenne, il compte aujourd’hui 1 800 habitants.
Avec l’arrivée d’Ousmane Thiané Sarr et Abdoulaye Albert N’Diaye en 1938, le scoutisme entre aussi à l’école, qui devient le point d’ancrage d’où rayonnera le scoutisme africain.
En 1965, l’école quitte Sébikhotane et une partie des locaux est transformée en prison. Les bâtiments de l’ancienne école figurent sur la liste des sites et monuments classés. Un petit film tourné en 2006 met en évidence l’état de délabrement du site. Une grande partie des bâtiments a été rénovée par une ONG français (MACAQ Sans Frontières et Actions et développement) en partenariat avec une association locale « Soutenons Les enfants »
À quelques centaines de mètres, se trouve le chantier de l’Université du Futur Africain, projet du Président Wade, lancé en 2006 et programmé pour accueillir deux mille étudiants. Le chantier est suspendu (février 2006); quatre bâtiments, dont un en forme de pyramide inversée pour la bibliothèque, sont avancés jusqu’au gros œuvre.
Ils ont étudié à l’école normale William Ponty
Abdoulaye Wade: Chef du parti libéral, et candidat aux élections présidentielles de 1978, 1983, 1988 et 1993. Il est Président de la République du Sénégal du 1er avril 2000 au 2 avril 2012.
Félix Houphouët-Boigny : Il serait né Dia Houphouët le 18 octobre 1905 à N’Gokro (Yamoussoukro) selon la biographie officielle. Mort le 7 décembre 1993, surnommé « le sage » ou même « Nanan Boigny » ou « Nanan Houphouet » ou encore « le Vieux » (au sens africain du terme), est le « père » de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.
Mamadou Dia : il est né le 18 juillet 1910 à Khombole au Sénégal. Mort le 25 janvier 2009 à Dakar, il est un homme politique sénégalais qui fut le Président du Conseil du Sénégal de 1957 à 1962. Il est l’un de principaux protagonistes de la crise politique de décembre 1962 qui l’opposa à Léopold Sédar Senghor.
Lamine Guèye ou Lamine Coura Gueye : il est né le 20 septembre 1891 à Médine. Mort le 10 juin 1968 à Dakar, il était un homme politique sénégalais, chef du Parti sénégalais d’action socialiste.
Kéba Mbaye : Né le 5 août 1924 à Kaolack, il fréquente l’école normale William Ponty de Sébikhotane et exerce quelque temps comme instituteur. Il poursuit aussi ses études, d’abord à la faculté de droit de Dakar, puis à Paris à l’École nationale de la France d’outre-mer (ENFOM), dans la section magistrature. Il est le père de Cheikh Tidiane Mbaye, directeur général de la Sonatel et du banquier Abdoul Mbaye, ancien Premier Ministre du Sénégal, nommé par le Président de la République Macky Sall le 3 avril 2012.
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Qui fut le parrain, Amédée William Merlaud-Ponty ?
Amédée William Merlaud-Ponty né le 4 février 1866 à Rochefort, il est décédé le 13 juin 1915 à Dakar, Sénégal. Il était un administrateur colonial français qui fut gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF) de 1908 jusqu’à sa mort en 1915. On le présente souvent comme un républicain idéaliste et paternaliste, mais des travaux récents dressent le portrait d’un politicien habile, avant tout pragmatique.
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Ses années à la tête de l’AOF ont marqué l’histoire de l’enseignement et de la justice, mais sa responsabilité dans la participation massive de troupes coloniales à la première guerre mondiale a terni son image.
Aujourd’hui, son nom se perpétue en grande partie à travers celui de l’école normale William Ponty, ancienne école normale fédérale qui sera pour l’Afrique le creuset où se formeront les élites, les « pontins » : instituteurs, médecins, mais aussi de grands noms de la vie politique africaine, tels que Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keita ou Mamadou Dia.
La reconstruction de William Ponty
En 2012, en pleine campagne électorale pour sa réélection, M. Abdoulaye Wade annonce devant ses sympathisants qu’il va reprendre les travaux de reconstruction de l’école normale William Ponty de Sébikotane. « Un établissement qu’il a fréquenté », révèle Niang Abdoulaye, un analyste politique sénégalais. Avant de dire que l’ancien Président a affirmé qu’il allait « reconstruire à l’identique, l’école normale William Ponty qui a vu défiler plusieurs cadres africains francophones du temps de la colonisation ». Mais depuis, rien, et Abdoulaye Wade a perdu l’élection présidentielle la même année, face à Macky Sall.
Des anciens du lycée se sont réunis pour trouver une solution à l’état actuel de l’établissement. Ils veulent réhabiliter le site pour conserver ce patrimoine. Un d’entre eux, Alioune Dieng, fait savoir que Sébikiotane appartient à l’Afrique de l’Ouest. Qu’est-ce que je répondrai à mes collègues du Dahomey, de la Centrafrique, du Tchad, du Gabon s’ils me demandaient ce qu’est devenu Ponty ? Se demande-t-il. Ajoutant que ce n’est pas à l’honneur du Sénégal.
Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cette école si ce n’est l’amphithéattre en ruine occupé par les herbes. Mais où les étrangers réfléchiraient par deux fois avant d’y entrer.
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A notre passage, on était obligé de prenre des images de l’extérieur tellement, il y-avait de risques. Mais notre jeune accompagnateur nous a rassuré qu’il n’y avait aucun risque, malgré tout, cela ne nous a pas rassuré. Des bâtiments en ruine qui ne tiennent plus, pourraient du jour au lendemain s’effondrer. Non loin de là, l’école élémentaire Sébi Ponty compte également quelques classes à l’ancienne. L’une de ces classes, d’après les enseignants que nous avons trouvés sur place en train de donner des cours de vacances, était celle où Abdoulaye Wade, ancien chef d’Etat, était.
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Ces classes tiennent encore mais l’on peut voir les traces de vieillesse avec les portes en bois qui ont été changées en fer. Le toit, l’estrade et le sol, dont les carreaux, en noir et blanc, ont perdu de leur éclat et détériorés par endroit, sont restés les mêmes. Non loin de là, les autres classes de l’école sont transformées. Sur place, est érigée l’école de formation pénitentiaire et sur un autre lieu la prison. Ce qui désole M. Samba Diallo, fils ainé de Kalidou Diallo qui fut magasinier de l’école Normale William Ponty. Il y avait tout ici, c’était beau à Ponty, dit-il.
Témoignage du fils ainé de l’ancien magasinier, feu Kalidou Diallo
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Samba Diallo ne pouvait s’empêcher d’évoquer ses souvenirs sans être pris d’émotion. Le fis ainé de Kalidou Diallo, ancien magasinier de l’école Normale William Ponty, décédé au mois de janvier , se confie. Il replonge dans le passé avec désolation au regard de ce qu’est devenu cette grande école que fut William Ponty.
« Mon père était le dépensier et chef de la cuisine. Mon père accueillait les nouveaux élèves, leur donnait des couvertures, des matelas pour bien s’installer. Les blancs étaient exigents mais mon père avait gagné leur confiance tellement il respectait son travail. Il lui arrivait de travailler jusque tard dans la nuit. Il y avait tout dans Ponty, j’ai grandi dans la cour de l’école. Les élèves me reconnaissaient. L’école était propre, c’était un petit paradis, tout était en ordre , il y avait de jolies fleurs, un joli jardin. Nous n’achetions pas de fournitures, on nous donnait tout. On écrivait avec des plumes, et il fallait bien écrire, ne pas se salire. On nous a appris à manger à table au réfectoire. Nous étions à l’école annexe, les élèves de William Ponty venaient souvent faire l’application de ce qu’ils ont appris. Chaque année, les élèves de l’école normale des jeunes filles étaient transportés ici pour la fête de fin d’année. Les garçons de Ponty et les filles de Rufisque faisaient la fête avec un orchestre venu assurer l’animation. C’est là qu’on a connu les guirlandes, les masques pour la fête. On y pratiquait aussi beaucoup de sports comme le javelot. Lors des examens, il y avait un grand sérieux. Il y avait aussi de bons résultats. Le scoutisme est né ici. C’était ici qu’on a commencé à regarder le cinéma. Nous regrettons que Ponty ait été déplacée pour des raisons politiques. On ne peut pas déplacer une école comme ça dans un camp de militaire à Thiès. Il arrive des fois que tu vois quelqu’un pleurer en voyant les bâtiments qui restent de cette école. On formait ici des instituteurs et des vétérinaires pour une durée de un an à deux ans.
Beaucoup de personnes sont passées ici. La maison où nous habitons était celle de Monsieur Deschamps, le père de Didier Deschamps, entraineur de l’équipe nationale de France. Son père s’occupait de tout ce qui était sport à l’école William Ponty ».