De Amédine FAYE, correspondant Teranganews à Tambacounda
Après le lancement de la radio Rts/Tamba(Radiodiffusion télévision sénégalaise, média public) en 1968, la presse tambacoundoise s’est, pendant longtemps, limitée au medium radio. Au fil des années, cette presse régionale s’est élargie. Elle s’est même diversifiée avec des supports de presse écrite, des WebTV, une télévision et une floraison de sites d’information. Des sites d’information qui épluchent le plus souvent les mêmes sujets, regrettent des observateurs. Qui invitent lesquels sites à davantage se professionnaliser. Reportage !
Dans la région orientale, la presse locale a croisé le numérique à partir de 2005. Date à laquelle le premier site régional d’information est lancé : www.tambacounda.info porté par l’entreprise Groupe Odia. Son fondateur est l’artiste-plasticien Ousmane Dia.
Dans un entretien avec l’Agence de presse sénégalaise (Aps), Dia avait expliqué que l’idée de créer ce site avait émergé à la suite des difficultés qu’il rencontrait pour s’informer sur sa région natale, Tambacounda. Il y avait même confié que cet outil numérique comptait vendre l’image de sa localité à l’étranger.
Au moins trois journalistes travaillent actuellement pour le site où des milliers de visiteurs se rendent journellement. Plus d’une décennie après son lancement, Tambacounda.info se partage aujourd’hui le lectorat de la région Est avec d’autres médias en ligne.
Une dizaine de sites d’information…
Les autres localités de la région disposent de trois sites d’information. Le département de Goudiry compte un seul site et un blog. Tandis que seuls deux sites sont répertoriés dans le département de Bakel. Mais c’est surtout dans la commune de Tambacounda que l’on retrouve le plus de sites d’information. En plus de Tambacounda.info, on y compte 07 autres et un blog. La plupart de ces sites ont une dénomination qui renvoie à la région de Tambacounda. Sans doute pour mettre en exergue leur origine géographique et refléter les informations de celle-ci qu’ils veulent relayer.
Avec ses onze sites et deux blogs, tous consacrés à l’information générale, Tambacounda dépasse largement les autres régions comme Saint-Louis par exemple. Qui ne dispose que de cinq sites d’information.
Mouhamadou Sow, ancien journaliste et ancien administrateur du site d’information waatamba.com, ne semble pas être surpris par ce qu’il appelle une « prolifération des sites » dans la région orientale.
« (…) Présentement, il y a beaucoup de sites [d’information]. Parce qu’il fût des temps, ça se comptait du bout des doigts. Je crois que ce n’est pas uniquement à Tambacounda, c’est même à travers tout le Sénégal, parce que c’est facile comme travail. N’importe qui peut avoir un site. Il suffit d’avoir un informaticien qui vous crée un site pour commencer à y mettre des informations », fait-il remarquer, alors que d’autres s’interrogent sur ce nombre important de sites car estimant que l’actualité n’est pas si fournie dans la région orientale.
…dont certains fondés par des enseignants.
Dans la région, certains de ces sites d’information sont lancés par des enseignants devenus journalistes.
« Autrefois, particulièrement à Tambacounda, les enseignants jouaient très souvent le rôle de correspondant. Ce sont ces mêmes personnes qui s’investissent dans ce sous-secteur de la presse en ligne, en lançant ou en alimentant des sites. Cela n’a rien à voir avec le métier d’enseignant. C’est simplement parce que ce sont des enseignants qui jouaient le rôle de correspondants de plusieurs organes de presse à Tamba », justifie Sow au sujet de la question des enseignants devenus des éditeurs de presse en ligne.
Des sites avec les mêmes contenus…
A côté du nombre important de sites d’information, un manque de professionnalisme dans le traitement de l’information est pointé.
« (…) Avec cette pluralité des sites, on ne donne pas réellement les informations dont le public a besoin. Si vous parcourez très souvent ces sites-là, il y a beaucoup plus de publicités que d’informations. Et s’il y a quelques informations, elles sont dés fois truffées de fautes, d’incohérence, et même de contre-vérités(…). On peut lire un texte sans rien comprendre », se désole Mouhamadou Sow qui estime que certains administrateurs de ces sites « ne sont pas formés ».
Spécialiste en communication, Pape Matar Thiobane, lui, constate qu’à Tambacounda, les sites d’information, même si ce n’est pas tous, abordent pratiquement les mêmes sujets et ne proposent pas des reportages sur les questions environnementales, scolaires,…
« Les sites se focalisent [plus] sur l’aspect politique que sur l’aspect développement(…). Les informations qui intéressent le public ne manquent pas à Tambacounda », analyse Thiobane.
A l’en croire, si ces sites reprennent souvent les articles rédigés par d’autres sites, c’est parce qu’ils manquent de journalistes pour réaliser des reportages.
« Les sites d’information au niveau de Tambacounda ne font pas beaucoup d’efforts, seulement ils font du copier-coller », déplore-t-il.
La non-quotidienneté de la publication d’articles constitue aussi une épine à laquelle se frottent ces sites d’information dont certains restent parfois un mois sans mettre en ligne de nouveaux contenus. Ce que juge anormal le journaliste Daouda Mine. Il est le directeur de publication du site d’information igfm.sn et responsable des supports numériques du Groupe futurs médias (Gfm, média privé).
« Quand on parle de médias en ligne, il faut faire des mises à jour de manière régulière. Un site [d’information] est un fil d’actualité. Et le fil d’actualité doit être rafraichi à temps réel. Une information susceptible d’intéresser le public doit figurer sur le site. C’est de cette façon qu’on parvient à avoir des visiteurs organiques et à fidéliser son lectorat. Sinon les gens ne vont pas visiter le site », explique Mine.
…risquant les sanctions du Cored
« Du copier-coller » qui amène souvent ces sites à reprendre les papiers d’autrui sans les sourcer sans doute pour s’en attribuer la paternité.
« Quand vous reprenez l’article, vous mettez l’auteur de l’article et vous mettez le quotidien ou bien le média qui a sorti l’article, c’est un minimum quand on est un bon journaliste », signale le président du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (Cored) au Sénégal Mamadou Thior.
Le manquement à cette règle expose aux sanctions du Cored. Le journaliste qui a vu son article être repris sans la source « peut faire une plainte. C’est ça d’ailleurs qui est mieux indiqué, parce que nous, on peut ne pas le remarquer(…). Dans ce cas-là, nous amenons l’affaire devant le Tribunal des pairs du Cored et donc une décision va émaner de cette instance du Cored », clarifie Thior.
Et si les faits sont établis, le journaliste fautif peut écoper de pénalités de fortune diverse : avertissement, blâme, suspension temporaire ou définitive de la carte nationale de presse. Mais parfois, l’organe d’autorégulation indulgencie.
« Nous pouvons juger que ce n’est pas sciemment que les gens le font. Ils peuvent le faire sans le savoir. Souvent, il y a beaucoup d’ignorance dans la corporation. Dans ce cas-là, nous leur rappellerons ce qui doit être leur comportement », fait savoir président Thior.
L’obligation de « se professionnaliser » avec le Code de la presse
En juin 2017, un nouveau code de la presse est adopté par l’Assemblée nationale, remplaçant celui de 1996. Depuis, la formalisation des sites d’information est érigée à jamais en règle.
« Il faut créer une société de Droit sénégalais, une entreprise de presse. Cette entreprise de presse sera éditrice du site [d’information]. Et après cela, vous devez vous enregistrer au Ministère de la Culture et de la communication. C’est à partir de ce moment-là que vous pourriez bénéficier de tous les avantages à savoir la carte nationale de presse par exemple, le Fonds d’appui pour le développement de la presse et la publicité donnée par l’ administration publique », explique Daouda Mine.
Avec ce code de la presse agrémenté de 233 articles, on en arrive surtout à la professionnalisation à laquelle devront se conformer tous les sites d’information. A Tambacounda, la gestion de bon nombre de sites est assurée par un seul individu. Qui est en même temps directeur de publication et reporter.
« Ces sites seront obligés de se professionnaliser, de respecter les dispositions du Code à savoir le recrutement de trois journalistes dont un directeur de publication qui a dix ans d’expériences, un rédacteur en chef qui a sept ans d’expériences et un reporter. Et également trouver un siège et produire 60% de son contenu et surtout faire en sorte que le contenu soit professionnel », soutient Ibrahima Lissa Faye, président de l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne(Appel).
Seuls deux des onze sites de la région de Tambacounda sont membres de cette structure.
Pour sa part, l’Appel travaille à la mise en place d’un système de labellisation des sites d’information au Sénégal. Son souhait : contribuer à la régulation de la presse en ligne où les dérives sont monnaie courante.