Mame Khary LEYE .
« Café sou naré nekh sou baxé xègne maane mi xamna thi dara », voilà comment débute la première partie du livre de Bubakar Bóris Jóob, « Bamelu Kocc Barma ».
Qui peut rester de marbre, qui ne sent pas sa curiosité titillée à la simple évocation du titre de ce livre. Vendredi 6 juillet à l’UCAD, s’est tenue la rencontre « Ndajé akk bindkat » oú le français n’était pas permis.
Il était une fois… Tel un vieux conte d’Afrique, l’auteur plonge ses lecteurs dans la profondeur de leurs racines, faisant gambader son imaginaire dans le Sénégal des années lumières, le tout, en wolof.
Une révolution, peut-on penser. Pourtant, ce n’est pas une première. Pour beaucoup, ces livres en langue locale leur sont étrangers. Pourquoi ce choix de l’auteur ? Une question pouvant laisser dubitatif d’autant plus que Bubakar Bóris Jóob, a sorti des livres rédigés en français.
« Le souci, l’envie de redorer le blason linguistique sénégalais. Vous savez, dit- Boubacar Boris, un nouveau vent souffle en Afrique. Les livres écrits en langues locales suscitent de plus en plus l’intérêt des gens. Ils s’y intéressent et ils les lisent, dit-il. Parler sa langue, maternelle, de la meilleure des façons a une portée symbolique, pose-t-il. Cela montre le degré d’importance de l’appartenance à une ethnie, un groupe, une communauté, chose incontournable chez tout individu, » dit-il, sous les regards fiers et médusés de l’assistance, composée pour la plupart d’étudiants, de journalistes culturels et d’amoureux des langues et de la culture tout simplement.
« Bamelu Kocc Barma » traite de trois histoires, rehaussées de furtifs dose d’humour. Le naufrage du bateau « Le Joola », l’histoire d’un journaliste et du milieu politique sénégalais, et celle de Sidya Léon Diop, prince du Walo car fils de la reine Ndaté Yallah. Beaucoup de valeurs ressortent au travers de ces histoires. La dernière a fait de l’effet au public parce qu’elle met en scène, un passage oú origines, manières, valeurs, culture sénégalais sont opposés à ceux de l’Occident. « Une griotte de la famille royale, raconte-un étudiant lisant le texte à haute voix, chantait les louanges de la Reine. Quand ce fut le tour du prince Sidya, il lui dit : Toi je ne te chanterai pas parce que je ne te reconnais plus. Tu as adopté le comportement des blancs dans leur ensemble. » Comme si le prince n’était plus digne de louanges. « Si je n’avais pas évoqué l’histoire de Sidya, dit-l’auteur, j’aurai été satisfait qu’à moitié. Je l’ai fait surtout parce que ce jeune homme mort à 28ans est méconnu du plus grand nombre. »
Tout dans ce livre, la présentation, les échanges nous font réfléchir sur plusieurs choses. Nous allons en prendre une. Il est vrai que les sénégalais ont la réputation d’être semi-linguistes. L’on nous reproche souvent de ne parler ni un bon wolof ni un bon français. Parler français, tel un parisien de souche est peut-être même une marque de supériorité. Mais à ce rythme, la donne sera bientôt renversée. Parler nos langues locales comme un Kocc Barma aura le même effet. L’on se demande même si ce n’est pas déjà le cas. Cependant nous ne parlons pas de carrément délaisser les autres langues, nous vivons dans un « village planétaire ». Nous sommes du globe, nous voulons comprendre et être compris, ne pas être en reste tout en s’agrippant à nos racines. « Kaar lolu la sootanté xaalat di diarigne ».