De Youssouf DIMMA, correspondant de Teranganews à Ziguinchor
En séjour à Ziguinchor, sa ville natale, pour des raisons liées aux élections locales prévues au Sénégal le 23 janvier prochain, Dr Cheikh Tidiane Dièye, Directeur du Centre africain pour le commerce l’intégration et le développement (CACID), a déclaré dans une interview accordée au correspondant de Terangnews à Ziguinchor, ce 10 janvier 2022 relativement aux récentes sanctions infligées au Mali par la CEDEAO et l’UEMOA.
Selon lui, « il est évident que les sanctions prises par les chefs d’Etat de la CEDEAO et par l’UEMOA auront des conséquences économiques multiformes et extrêmement néfastes sur l’économie du Mali et sur le peuple malien. Il faut d’abord regretter ces sanctions qui sont totalement illégales si l’on s’en tient rien qu’au protocole de la CEDEAO et encore une fois la CEDEAO passe à côté de l’histoire ».
Pour lui, « la CEDEAO n’a pas su lire les événements ni su prendre les actes appropriés au moment de le prise du pouvoir par la junte militaire parce qu’elle avait fait une mauvaise interprétation du principe des coups d’Etat. En effet, il y avait un coup d’Etat constitutionnel, politique et autres mais la CEDEAO n’avait pas réagi quand les militaires sont arrivés au pouvoir, sauver une situation et ouvrir les voies nouvelles au Mali, la CEDEAO devait accompagner ce processus et nous l’avions dit en son temps ».
Dr Cheikh Tidiane Dièye d’ajouter : « elle prend des sanctions qui ne sont pas prévues par les protocoles qui disent que lorsqu’un pays pose de tels actes, la CEDEAO peut suspendre sa participation dans les instances communautaires, par exemple refuser d’organiser des réunions dans ce pays. Mais faire du blocus économique et fermer des frontières, cela n’est prévu nulle part dans le protocole ».
A l’en croire « sachant que 80% du commerce international du Mali passe par le port autonome de Dakar, si le Sénégal s’aventurait à respecter ces sanctions, vous imaginez la conséquence ! Même si on dit que les médicaments n’est feraient pas partie ou les denrées de premières nécessité, mais les équipements et tous types d’autres matériels qui constituent de la matière première pour l’industrie malienne et qui servent à construire le Mali ne viendraient plus. »
Dr Dièye d’avertir les Chef d’Etat de la CEDEAO en ces termes : « je voudrais dire aux chefs de l’Etat qu’ils se rendront responsables de tout ce qui arrivera dans la sous-région parce qu’il ne faut pas croire que le Mali est le Niger, le Libéria, la Gambie, la Guinée-Bissau qui ont connu des interventions de la CEDEAO, ce qui était compréhensible dans ces contextes , mais aujourd’hui, du point de vue géo-économique, géo-politique, le Mali ne peut pas et ne devrait pas être sanctionné de cette manière. »
Et de poursuivre : « Le Mali trouvera toujours des solutions pour approvisionner son marché et ne pas laisser sa population mourir de faim, mais le Sénégal perdrait énormément : si le fret est arrêté le port de Dakar ferme et il ne faudrait même pas continuer la construction du port de Ndayane puisqu’il ne vivrait qu’avec le fret malien. Il faut savoir raison gardée. Je demande au président du Sénégal de considérer l’intérêt du Sénégal. Notre pays ne doit pas suivre certains chefs d’Etat de la CEDEAO, ni certains chefs d’Etat internationaux qui sont en train d’utiliser le cas du Mali pour régler leur propre problème et on ne doit pas laisser cette situation devenir un terrain de confrontation géopolitique entre la Russie et les pays occidentaux à travers la CEDEAO qui serait instrumentalisée ».
Pour rappel, le dimanche 09 janvier 2022, lors d’un sommet extraordinaire tenu à Accra, la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé d’imposer des sanctions au gouvernement de la transition au Mali. Lesquelles sont, entre autres, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays de la CEDEAO et le Mali, à l’exception des produits alimentaires de grande consommation ; des produits pharmaceutiques ; des matériels et équipements médicaux y compris ceux pour la lutte contre la Covid 19 ; des produits pétroliers et de l’électricité.