Intitulé « Ce n’est pas normal » : Exploitation, harcèlement et abus dans des écoles secondaires au Sénégal », ce rapport de 98 pages présenté ce jeudi 18 octobre 2018, documente les violations commises à l’encontre de filles dans les collèges, principalement par des enseignants et personnels des écoles. Pour Human Rights Watch, il faut mettre fin à la culture du silence et sanctionner les enseignants coupables d’abus.
L’enquête a été menée dans les régions de Sédhiou, Ziguinchor, Kolda et Dakar et ses environs qui présentent des chiffres préoccupants sur les violences faites aux filles.
« Les régions de Sédhiou, Kolda, Ziguinchor et Dakar présentent de grands chiffres assez préoccupants sur les grossesses précoces, les mariages d’enfants et on pense que c’est toujours liées à la violence aux écoles faite aux enfants », a souligné Elin Martínez, chercheuse auprès de la division Droits des enfants au sein de Human Rights Watch et auteure du rapport. Elin Martinez d’ajouter « que le choix fait sur ces trois régions et Dakar, ne veut pas dire qu’il n’y a pas de cas de violences sexuelles dans les autres régions, c’est juste qu’il fallait commencer par certaines régions et on a décidé de commencer par ces régions », a-t-elle souligné.
Toutefois la chercheuse en droits des enfants au sein de l’organisation de protection des droits humains de préciser que les violences faites contre les enfants en particulier les filles existent dans les autres régions. Et, d’appeler à ne pas stigmatiser les régions ou encore le personnel scolaire qui participe à la protection des enfants.
La chercheuse en droit de l’éducation au sein de Human Rights Watch mentionne que, « Human Right Watch a mené des entretiens individuels et collectifs avec plus de 160 filles et jeunes femmes, ainsi qu’une soixantaine d’autres personnes, notamment les parents, experts du champ éducatif, psychologues, activistes locaux, partenaires de développement et responsables gouvernementaux nationaux et locaux des quatre régions ciblées par l’étude ».
Toutefois, « l’organisation n’a pas donné de chiffres qui illustrent ces dires. Les tabous et les stigmates sociaux réduisent au silence de nombreuses filles et jeunes femmes victimes de ces pratiques. Même si elle reconnait qu’en 2014 près de 3600 cas d’abus sexuels avaient été recensés au niveau du ministère de la Justice », relève le rapport.
Le rapport déplore toutefois que « ces agissements soient une violation flagrante des obligations professionnelles et éthiques qui incombent aux enseignants et un crime au regard de la loi sénégalaise lorsque les victimes sont âgées de moins de 16 ans. Harceler des élèves à des fins sexuelles et abuser de son pouvoir et de son autorité sur un enfant alors que l’on est enseignant sont des crimes passibles de peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison ».
Human Rights Watch note que d’autres obstacles à la dénonciation de ces actes sont liés aux perceptions culturelles selon lesquelles les filles et jeunes femmes seraient responsables des avances qui leur sont faites par les enseignants, mais aussi la crainte de perdre des enseignants et le flou de ce qui relève de l’exploitation sexuelle.
Et, pour mettre fin à ces abus sexuels, Human Rights Watch a fait trois recommandations clés à l’Etat du Sénégal.
Le rapport a en outre constaté que les établissements scolaires ne sensibilisent pas suffisamment les mineurs à la sexualité, à la santé reproductive et à leurs droits sexuels et reproductifs. Le gouvernement devrait enfin adopter un programme complet d’éducation sexuelle conforme aux normes internationales en vigueur, et garantir l’accès des jeunes à des services de santé répondant à leurs besoins.
Elin Martinez a déploré « l’absence de statistiques fiables qui demeure un grand problème, c’est pourquoi elle invite l’Etat à faire des efforts dans ce sens. Elle constitue une faiblesse dans le système pour faire la situation pour savoir combien d’enfants sont touchés ».
Premièrement « adaptation d’une politique nationale pour lutter contre le harcèlement et l’exploitation sexuelle. Deuxièmement mettre en place une politique de formation professionnelle des enseignants sous les thèmes de protection des enfants et droits des enfants pour s’assurer que tout le cadre éducatif sachent qu’ils ont des obligations pour protéger et prévenir les abus sexuels dans les écoles. Et enfin, on invite les syndicats à adopter des codes de conduites visant à protéger les enfants à l’école « , a soutenu Elin Martinez.
Autre recommandations faites par HRW, « c’est doter les établissements éducatifs secondaire d’assistante sociale ».
Selon Elin Martinez, « le choix du Sénégal se justifie par l’adhésion du pays à des mécanismes juridiques de protection des droits humains et qui a déjà fait beaucoup d’efforts aille plus loin car il a montré un vrai leadership dans la sous-région dans la protection des droits des enfants. Le gouvernement du Sénégal a pris des mesures pour lutter contre la violence sexuelle et à la discrimination sexiste dans les établissements scolaires, dans le cadre d’efforts plus larges visant à élargir l’accès des filles à l’enseignement secondaire et à les y maintenir », a-t-elle déclaré.
« En dépit des violences sexuelles dont sont victimes les enfants en particulier les filles, certains établissements essaient d’instaurer un environnement sûr, en adoptant des politiques de tolérance zéro vie-à vis des abus perpétrés sur place ou sensibilisant les filles à l’importance de signaler les abus dont elles sont victimes. Même si ces mesures ne sont pas systématique dans tous les établissements, et cela est due selon l’organisation, à l’absence de politique nationale de lutte contre l’exploitation sexuelle en milieu scolaire », a souligné le rapport.