Youssouf DIMMA, Correspondant à Ziguinchor.
Seize (16) ans jour pour jour après le naufrage bateau MS/Le Joola au large de la Gambie, ayant fait « plus de deux mille (2000) morts et soixante-quatre (64) rescapés » selon les familles des victimes, la gestion par l’Etat de ce qu’il convient de nommer « le dossier du Joola », a eu des hauts et des bas. Trop promesses ont été faites. Un bon nombre a été tenues telles que promises, une partie l’a été partiellement et le reste, pas encore. Au contraire.
Retour sur ces équations qu’il reste à l’Etat de résoudre dans le dossier du MS/Le Joola.
L’indemnisation des familles des victimes et des rescapés
Si l’on en croit les familles des victimes de la plus grande catastrophe au monde dans la marine marchande, l’indemnisation de l’ensemble des familles, y compris celles étrangères, ayant constitué et déposé leurs dossiers en vue de la perception du montant prévue par l’Etat, l’ont perçu. Il s’agit de dix millions de francs CFA par personne, entièrement versés aux ayants droit. Le conseil qui leur a été prodigué avant le versement de ces montants, c’est qu’elles les utilisent à bon escient, notamment dans la construction de maisons familiales. En effet, beaucoup de père de familles ont péri lors de cette catastrophe maritime. La plupart des quatre cents étudiants y ayant trouvé la mort, une partie non négligeable était l’unique espoir de leurs parents.
Une université sortie de terre à Ziguinchor
Construire une université flambant neuve pour prendre en charge des préoccupations de familles de victimes et rescapés d’une catastrophe mondiale, cela paraît un peu saugrenu, mais la construction de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) est justement intervenue dans la capitale de la région sud du pays pour d’une part compenser le capital intellectuel de la région qui a été anéanti par le naufrage, d’autre part empêcher que des étudiants et des élèves se ruent la dernière semaine de septembre de chaque année, vers le port de Ziguinchor en partance pour l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ou d’autres instituts et lycées. En effet, selon Moussa Cissokho, président de l’Association nationale des familles des victimes et rescapés du Joola (Anfvr/J), « nous avons perdu presque quatre-cent cinquante (450) élèves et étudiants dans le naufrage du Joola ».
Construction d’une gare maritime au port et Ziguinchor
L’Etat n’a pas « croisé les bras ». En effet, il a construit une gare maritime à Ziguinchor, procédé au remplacement du MS/Le Joola par trois (3) nouveaux navires (Aline Sitoé Diatta, Aguène et Diambone) avec renforcement des mesures de sécurité, l’extension du quai du port économique de Ziguinchor sur lequel il a érigé une unité frigorifique d’une capacité de deux mille (2000) tonnes.
Mise en place d’un Office national des pupilles de la Nation
Un office national des pupilles de la Nation est en effet mis en place. Il devrait prendre en charge seulement les orphelins du Joola, mais l’Anfvr/J a souhaité que ses actions puissent s’étendre à l’ensemble des orphelins des sénégalais tombés dans l’exercice de leurs fonctions tels que les militaires tués pendant les opérations de sécurisation de la région naturelle de Casamance les autres agents de l’Etat ayant rempli ces critères. Seulement, une équation reste à être résolue à ce niveau. Selon Moussa Cissokho, « la loi portant création de l’Office national des pupilles de la Nation a prévu que ce soit tous les orphelins, en situation de mineurs en 2002, qui soient pris en compte de manière rétroactive, ce qui n’est pas le cas actuellement à cause d’un de ses décrets d’application qui prévoit le contraire c’est-à-dire la prise en charge des orphelins mineurs à partir de 2011; nous ne sommes pas satisfaits à ce niveau ». Pour lui, « cela veut dire qu’il y a un conflit de lois à ce niveau ; nous attirons l’attention de l’autorité à qui nous demandons d’appliquer la loi au lieu du décret car une loi est toujours au-dessus d’un décret ».
Érection d’un mémorial-musée « Le Joola » à Ziguinchor
L’Etat a accédé aussi à la demande des familles des victimes du Joola consistant à ce qu’un mémorial-musée soit érigé non loin du port de départ du MS/Le Joola. C’est ainsi qu’après de longues et après mois de négociations, il a été convenu que cet édifice soit construit à l’entrée du port d’attaque du Joola, sur un site jadis occupé par une usine de traitement de produits halieutiques (usine Tee-Sitoo), un marché aux poissons, l’ancien site dudit mémorial et l’usine de poissons « Sosechal ». Actuellement les lieux sont en train d’être déblayés et une pause de la première pierre du ce mémorial – musée devrait se faire ce mercredi 26 septembre 2018 par le ministre des forces armées Me Augustin Tine.
Le renflouement de l’épave du MS/Le Joola
L’équation consistant au renflouement de l’épave du MS/Le Joola a toujours été au cœur des préoccupations des familles des victimes et des rescapés. C’est vrai qu’après le drame, quatre cimetières ont été ouverts pour le repos de l’âme des victimes : Kantène dans la banlieue ziguinchoroise, Kabadio dans l’arrondissement de Kataba 1, Mbao dans la région de Dakar et Bassori en territoire gambien. Mais actuellement, difficile pour beaucoup de familles de faire leurs deuils car elles n’ont pas pu identifier leurs défunts parents. Selon Karim Sagna, l’un des pères de familles ayant perdu son épouse et ses deux (02) enfants dans la catastrophe du Joola, « j’ai fait le tour de l’ensemble des quatre cimetière sans succès. Si l’on extrait l’épave du Joola pour l’exposer ou exposer ce qu’il en reste au niveau du mémorial-musée, je pourrais reconnaître un ou deux objet appartenant à ma femme ou à mes enfants, j’en suis certain. Donc je milite parfaitement pour le renflouement du bateau le Joola ». Moussa Cissokho, président del’Anfvr/J renchérit : « nous avons demandé que soit explosée l’hélice du Joola dans ce mémorial – musée, pour la génération future ».
La prononciation de sanctions pénales à l’encontre des coupables
C’est vrai que des sanctions administratives ont été prononcées suite au naufrage du Joola avec notamment le limogeage du ministre des forces armées d’alors, Youba Sambou, mais les familles des victimes réclament que des sanctions pénales soient prononcées à l’encontre des coupables qui, selon Moussa Cissokho, « ne sont pas que le capitaine du bateau comme nous le font croire les autorités ; d’ailleurs ce capitaine n’a pas survécu à l’accident ». Les familles des victimes du Joola continuent leur « combat » à ce niveau. Elles sont « même prêtes », si l’on en croit les propos de Moussa Cissokho, « à porter l’affaire devant les juridictions compétentes internationales ».