A première vue, on ne la croirait pas vivre dans cette localité. Rien, dans son physique, sa façon d’être, de faire, de se comporter, ne laisse penser que Baraque, puisse être son habitat. Et, plus surprenant encore, la jeune femme s’avère être la seule étudiante de la localité. Aussi étonnant que cela puisse paraître, dans cet univers où règne insalubrité et pestilence, ne se réveillent pas qu’étrangers et analphabètes.
C’est par un après-midi ensoleillé que Pauline, très élégamment habillée d’une tunique bleue-marine, tout en demeurant sobre mais coquette, nous reçoit dans sa chambre, nichée au cœur de ce baraquement. Un lit, une table basse, faisant office de bibliothèque, où se superposent livres et cahiers, des valises, posées à même le sol, et une image de la sainte Marie, accrochée au mur, font le décor de la pièce. Plutôt avenante et sympathique, le visage légèrement saupoudré, elle se met aux petits soins. La prise de contact se fait, entre deux tasses d’eau rafraichissantes, dans une ambiance cordiale et détendue.
Dès l’entame de la vraie raison de notre visite, l’atmosphère dans lequel on baignait, fait place à un climat taciturne. L’idée de parler de sa vie ne l’emballe pas vraiment. Puis, d’une voix claire mais hésitante, elle raconte : « Je suis en troisième de licence en gestion à Faseg. Quitter ma famille pour suivre mes études à Dakar a été la décision la plus difficile que j’ai eu à prendre », nous dit-elle. Avant de poursuivre : « Certes, obtenir le bac a été plus qu’une aubaine, car que je suis la seule femme de ma famille à bénéficier de ce privilège ». En effet, issue d’une famille de cultivateur, de parents sérères, très conservateurs, l’éducation n’était pas permise à tout le monde, particulièrement aux filles. « Etant la cadette, j’ai eu cette chance que m’enviait plus d’une », poursuit-elle. Soutenue par son oncle, l’étudiante, comme la surnomme affectueusement ses voisins fait un brillant parcours scolaire.
Son présent à la cité Baraque n’est pas de tout repos. Ici, c’est avec un sourire reflétant une infime lueur de peine, que la noirceur d’ébène affirme : « La vie dans cette citée n’est évidemment pas commode. Vous avez remarqué le caractère dégradant que revêtent les lieux. Le quartier respire la disette. Ceux qui ne le connaissent pas le prenne pour un marché. Mais, j’essaie de toutes mes forces de faire avec, d’autant plus que je n’ai pas trop le choix. C’est tout ce que je peux m’offrir, pour le moment. J’ai beaucoup de mal à réviser mes cours dans la tranquillité. Si ce n’est à cause des coupures d’électricité, ce sont les bruits ». Mais, son envie de pouvoir s’offrir et donner une vie meilleure à ses parents l’incite à ne pas trop se focaliser sur cet environnement, peu propice à la réussite d’un individu. L’endroit ne cache pas toutes ses tares. Hormis, l’électricité qui y fait défaut, l’eau n’est pas à portée de main, l’insalubrité y est frappante. Sous un ton taquin, et un sourire dévoilant une dentition fluorée, elle avoue qu’elle aimerait avoir plus de moyens afin de pouvoir déménager de ce quartier étroit et bruyant.
A 25 ans, la jeune femme à la carrure d’une dame, incarne une maturité qui l’a poussée à voler de ses propres ailes. Depuis son arrivée à Dakar, elle allie études et travail. Elle confie que durant ses heures creuses, elle officie comme domestique pour des célibataires qui logent aux alentours de liberté6. Et tout ceci, pour ne pas tendre la main à certains proches insoucieux de sa personne. Sa façon d’en parler et son gestuel témoigne de sa croyance et de son trop plein d’orgueil. Ce qui reflète la fierté que lui témoignent ses amis. Profondément chrétienne, elle fait preuve de politesse et de générosité à l’endroit de ses voisins. Peint comme une personne calme et posée par ses derniers, son caractère serviable l’a faite accepter de tous. Aminata sa meilleure amie et fille du chef de quartier nous confie qu’un jour, elle n’a pas hésité à dépenser toutes ses économies afin de venir en aide à un enfant du quartier, qui souffrait de la tuberculose.
Sa carrière professionnelle se révèle assez difficile, car jusqu’à présent elle peine à trouver un stage. L’originaire du Baol, déclare ne pas se décourager. Là, c’est avec un ton plein de conviction et d’espoir qu’elle affirme : « Je ne me décourage pas pour si peu. Je sais que j’y arriverai ». Au moins, toutes ses difficultés auront servi à quelque chose.
Rêveuse, elle envisage un avenir heureux et paisible. Elle s’imagine d’ici quelques années parmi l’élite de ce pays, entourée de ses enfants et de son époux.
Dans toute localité, aussi luxueuse ou incommode soit elle, demeure différentes personnes. Le quartier Baraque de liberté 6, pourtant entourée de belles bâtisses, en est une preuve.
Malgré sa disponibilité à nous narrer son histoire et partager avec nous son vécu, Pauline n’a pas souhaité être prise en photo, pour illustrer l’article. Une décision que nous avons choisie de respecter.

