C’est un premier pas vers l’indemnisation des victimes du régime d’Hissène Habré du Tchad. Au moment où ils s’y attendaient le moins, un fond pour les victimes a vu le jour. Sortie de la mémoire des hommes après sa condamnation à la prison à vie, prononcée en mai 2016, pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « crimes de torture », ce nouveau tournant qu’a pris l’affaire Habré saura probablement rafraîchir les mémoires.
Pourtant, le principe de fond avait été validé, il y a un an et demi, par l’Union africaine, mais il aura fallu attendre jusqu’au dernier sommet de l’UA pour passer à la prochaine étape. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme s’en félicitent, mais rappellent qu’il reste encore beaucoup à faire pour que le travail d’indemnisation des victimes puisse vraiment commencer. Et le principal problème sera d’alimenter ce fonds.
Le fonds au profit des victimes est enfin créé, mais il n’a ni responsables ni ressources pour l’instant. A l’issue de son procès, Hissène Habré avait été condamné à verser plus de 80 milliards de francs CFA aux victimes, c’est-à-dire 150 millions de dollars.
Clément Abaïfouta est responsable de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH) et il attend maintenant des engagements de la part du gouvernement tchadien : « Les victimes sont tchadiennes, Hissène Habré est tchadien, tout s’est passé sur le territoire tchadien. Je crois que le Tchad est en principe le pays qui devrait faire le premier pas et les autres vont suivre. Mais si le Tchad continue à ne pas faire le premier pas, ou ne fait pas le premier pas, je crois que cela va être difficile ».
L’Union africaine doit aussi contribuer à alimenter le fonds, mais on ne sait pas à quelle hauteur. L’organisation devrait aussi solliciter les bailleurs étrangers. Et il y a une troisième piste : saisir les avoirs d’Hissène Habré pour indemniser les victimes, comme l’explique Reed Brody de Human Rights Watch : « On n’a jamais estimé sa fortune. On sait que, quand il a pris la fuite, il s’est fait signer un chèque pour tout ce qui restait dans le Trésor. Et ce chèque-là, c’était environ 15 millions d’euros actuels ».
La somme totale est inconnue. Jusqu’à présent, quelques avoirs ont été identifiés : une propriété et deux comptes bancaires modestes au Sénégal.
Pour rappel, le procès du Président Habré est le premier dans le monde au cours duquel les tribunaux d’un pays poursuivent l’ancien dirigeant d’un autre pays pour crimes de droits humains allégués. Lors de ces derniers procès, quatre femmes qui auraient été soumises en 1988 à l’esclavage sexuel dans un camp militaire situé dans le désert dans le nord du Tchad, ont témoigné contre leur ex-Président. Une commission d’enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous son régime (1982-1990) à quelque 40 000 morts.