Ils sont nombreux, à se réveiller à l’heure du repas de l’aube, nombreux à faire des kilomètres, pour se procurer la perle rare de ce mois béni, du pain au petit matin. Pour ce faire, la communauté chrétienne adopte ces stratégies. La cause de cette situation se situe, selon un boulanger, au niveau de l’offre et de la demande.
Silence radio dans la boulangerie de liberté 6. Nulle trace du boulanger, il s’est éclipsé un moment. Quelques pains, cramés, secs, ou perdant leur dureté attendent d’être vendus. Mais, ceux qui n’observent pas le jeûne portent leur choix sur les baguettes de pain, frais. La plupart d’entre eux repartent, la mine boudeuse, découragée ou remontée. Apparemment, c’est le cas, dans plusieurs boulangeries de la ville.
Résidant à liberté 6 extension, Paul Sène rencontre toutes les difficultés du monde à se trouver du pain. Et ce, depuis le début du ramadan, il est obligé de parcourir de longues distances pour se le procurer. « Je vais jusqu’à la Brioche Dorée qui se trouve à côté du stade Amadou Barry pour acheter du pain afin de pouvoir déjeuner. Alors que celle-ci se situe à deux kilomètres de chez moi », dit-il avant de s’insurger, « les Chrétiens sont déconsidérés. Chaque mois de ramadan, ce sont les mêmes pratiques qui reviennent. Nous rencontrons d’énormes difficultés sur le plan alimentaire. Finalement, nous ne mangeons que de la pâte durant tout ce mois. Et, cela n’est pas bon. Tout le monde sait que pour une bonne alimentation, la nourriture doit être variée », fustige-t-il.
Rencontrée vers la Vdn, Véronique Mendy soutient pour sa part, n’avoir pas goûté à la dite denrée depuis trois (10) jours. « Cela fait maintenant 10jours, que ma famille et moi n’avons pas flairé le goût du pain chaud. Il n’y en a plus dans les boulangeries. On nous y propose ceux de la veille et parfois ils sont mêmes cramés, » dit-elle avant de clamer, « Nous sommes dans un pays laïc. Tout le monde n’observe pas le jeûne. On ne doit pas nous imposer une diète forcée car, pendant le carême des Chrétiens, les musulmans sont suffisamment approvisionnés en pain. Même si nous sommes minoritaires, on ne doit pas nous reléguer au second plan », charge la jeune chrétienne avant que Jean-Pierre Tine ne confesse sa stratégie pour avoir droit au pain tous les matins. « Je me lève tous les jours au moment du repas de l’aube des jeûneurs, pour me rendre à la boulangerie. A 5h, ma sonnerie, me rappelant le petit-déjeuner de mes enfants, m’extirpe de mon lit. Si les enfants attendent jusqu’à 8 heures du matin pour aller acheter du pain, ils n’y trouveront absolument rien » , lâche-t-il.
Un boulanger, préférant garder l’anonymat explique que la situation est due à la diminution de la demande. « Durant le Ramadan, nous ne produisons pas pour le matin car, la demande n’est pas tellement importante. Nous courons la perte si nous en faisons le matin. Rare sont les gens qui le réclament. Toutefois, nous faisons en sorte de produire en quantité suffisante pour le repas du l’aube, afin qu’il en reste, pour ceux qui ne jeûnent pas. C’est un problème de demande, » conclut-il.