Universellement appelée voyage de noces, la lune de miel est perçue comme le moment d’après mariage, où l’homme et la femme se doivent une entière dévotion. Ces jours sont supposés être des instants sensuels, romantiques, enchanteurs marquant ainsi le début d’une vie à deux.
A l’heure actuelle, cette pratique gagne de plus en plus du terrain dans nos sociétés. En dépit du fait qu’elle n’est pas de notre tradition, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle a acquis son importance dans l’esprit de bons nombres de jeunes sénégalais. Pour eux, elle constitue un rêve, ou le lieu et le cadre propice à une rêverie sentimentale sont empreints de perfection idéale qui sont tout aussi importants. Selon Mathilde Badji, 22ans : « La lune de miel est un moment crucial dans la vie d’une femme. Je rêve de passer ce moment unique dans un endroit paradisiaque, idyllique, hors du pays, loin de tout au Brésil plus particulièrement près des iles qui offrent une vue magnifique sur la mer , susurre t-elle rêveuse ». Et Mme Diouf Philomène de souligner : « Cette occasion ne se présente qu’une seule fois dans la vie. Rien ne devrait être laissé au hasard ».
Cependant, les sénégalais ne partagent pas la même vision de la lune de miel que les occidentaux. Pour eux, c’est l’instant où la jeune fille doit faire honneur à ses proches. Une dame mariée, du nom de Dior Massaly rencontrée, affirme: « Ma lune de miel, je l’ai passé ici, pour qu’aucun doute ne soit possible. »

Cette pratique constitue en fait un débat mitigé chez les sénégalais, surtout chez les adultes. Ces derniers ont un jugement assez critique de ce phénomène. C’est le cas de Maguette Niang mariée depuis une vingtaine d’années. Pour elle : «La lune de miel ne fait en aucun cas partie de nos traditions. C’est la jeunesse de plus en plus occidentalisée qui subit cette influence causée en grande partie par ces feuilletons télévisées. Mais ceci en réalité a une certaine conséquence car, elle pousse les jeunes filles à ne plus accorder d’importance à la virginité. Certaines d’entres elles vont même jusqu’à dire que la lune de miel passée près de leurs familles est traumatisante car, c’est un moment de preuve. » Et Ndeye Anta Sylla 52ans de renchérir: « Nous, ce que nous connaissons et qui est notre lune de miel, c’est le  »laabaane ». Cette chose n’est en fait qu’une bouée de sauvetage. La plupart des jeunes notamment les filles préfèrent partir au lieu de rester passer leur nuit nuptiale au vu et au su de tout le monde comme le voudrait la tradition, prétextant que les temps ont changé alors qu’en fait, c’est pour ne pas avoir à s’expliquer sur leurs vraies motivations ».
Cette situation, Khadijatou Touré mariée depuis deux ans, l’a vécu : «  Je me souviens de mon après mariage, dit-elle, un brin mélancolique. Mon époux voulait m’offrir une lune de miel, au Maroc, dans un endroit féerique, comme j’en avais toujours rêvé. Mais, cela ne s’est fait qu’après la naissance de notre premier enfant. Car, n’ayant pas confiance en moi, ma belle-mère a sous-entendu que je n’étais pas vierge. Et que c’est la raison pour laquelle, je tenais tant à ne pas m’en aller. Pour laver mon honneur souillé, j’ai consommé mon mariage dans la maison de mes beaux-parents. Ce n’est qu’après la naissance de notre premier enfant que je me suis décidée
 à y aller. Et en fait, ce n’était même pas par envie, mais juste pour faire plaisir à mon époux qui ne voulait en réalité que se racheter, pour s’être laissé influencer par sa mère. Mais, quand j’y repense, cela ne me fait plus mal. Car, je leur ai donné une bonne leçon », lance t-elle avec un léger sourire de triomphe. L’histoire de Khadijatou est similaire à celle de Mame Fama, à la différence prés. « Dès que j’ai émis le vœu de partir en lune de miel, j’ai commencé à entendre des commentaires vexants de la part de ma belle-famille et même de ma propre famille, toutes deux d’ethnie hal pulaar, nous raconte Fama. Mais, j’ai campé sur ma décision, parce que c’était mon mariage, ma fête, mon jour. Je n’allais pas me résigner à la passer ici puisque ce n’était pas ce que je voulais. Mais, jamais je n’oublierai ce qu’une des tantes à mon mari m’a lancé quand je m’apprêtais à partir » : « Si tu y verses du mercurochrome, nous saurons ».
La lune de miel parait au Sénégal chose banale. Mais en posant le débat sur ce sujet, l’on se rend compte qu’elle occupe une place de choix dans la société. Au point de créer des divergences d’opinions entre la jeune génération dite ‘’occidentalisée’’ et les adultes dits ‘’de la vieille école’’.

									 
					