Parce qu’elle frappe là où l’on s’attend le moins, la mort surprend toujours. Et se réveiller avec une nouvelle pareille déteint, qu’on le veuille ou pas, d’une façon négative sur le climat. Le temps imparti au Sieur Niass dans ce monde matériel a pris fin ce mardi 4 décembre.
Sidy Lamine Niass était connu de tout le peuple sénégalais. Téméraire, l’on le voyait dans toutes les batailles, de la République comme de la société. Journaliste, ce statut était assez négligée par les sénégalais, tellement il était plus présente dans les affaires étatiques.
Les témoignages mettent en évidence, un pion fondamental de la vitalité démocratique sénégalaise.
Les acteurs de la presse se souviennent de quelqu’un qui leur a donné leur chance de s’affirmer et de prouver leurs capacités à travers l’école que représente son groupe de presse. Dans toutes les rédactions, l’on trouve un produit de Walf.
Il a été enseignant
Il avait vu le jour un 15 août 1950 à Kaolack. Petit-fils d’El Hadj Abdoulaye Niass, fondateur de la branche niassène de la Tarîqa Tidiane, Sidi Lamine Niass s’est investi pour l’unification de la grande famille niassène. Entretenant les meilleures relations avec l’ensemble des guides religieux du Sénégal, il n’accordait guère de différence entre sunnites, chiites et soufis, disent les témoignages.
Sa carrière professionnelle, il l’a commencé par l’enseignement. De 1971 à 1975, très jeune déjà, il est enseignant en arabe. Après cette première expérience dans les salles de classe, il part en Égypte, où il étudie le Droit et la Jurisprudence Islamique à l’université Al-Azhar du Caire. Revenu au Sénégal, au début des années 1980, Sidi Lamine Niass ne demeure pas inactif. Étudiant engagé, il a été le président de l’Association des étudiants sénégalais en Égypte. Il s’engage pour la réhabilitation de la langue arabe dans son pays où le français règne sans partage au sein de l’administration.
Un engagement qui découle dans le lancement d’une ligne éditoriale. En janvier 1984, il crée le bimensuel Wal Fadjiri (mots arabes signifiant l’Aurore) qui devient, par la suite, hebdomadaire en novembre 1987. Au mois de mai 1991, le journal devient semi-quotidien paraissant trois fois par semaine. À partir de février 1993, il parait quotidiennement. Et en novembre 1997, il obtient une bande FM (Walf Fm). Et progressivement, il mit en place le premier groupe de presse de l’Afrique de l’Ouest composé d’un quotidien (Walf Quotidien), d’une radio (Walf Fm), d’une télévision (Walf Tv) ainsi qu’un site internet. Un groupe de presse qui a fait de Sidi Lamine Niass l’un des hommes les plus influents du Sénégal.
Un idéologue constant et, ou un incompris
Sidi Lamine Niass a passé ses premières nuits en prison sous le magistère de Léopold Sédar Senghor (de novembre 1979 à novembre 1980). Ses idées, souvent aux antipodes de la bienséance préconisée par le premier Président du Sénégal indépendant, Sidi Lamine est perçu tel un rebelle.
Avec l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir, ses relations avec le chef de l’État sont en dents de scie. L’on se souvient de ce Vendredi 25 septembre 2009 où les locaux du groupe Wal Fadjri sont mis à sac. Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), dénonce « une attaque barbare causant des blessures à des membres du personnel (de Walfadjri) ainsi que de graves dégâts matériels.»
C’est Me Abdoulaye Wade, lui-même, qui inaugure le 1er avril 2010, le tout nouveau siège du groupe Walf. Le 19 mars 2011, Sidi Lamine Niass appelle à manifester contre son régime, à la mythique place de l’Indépendance.
Avec le Président Macky Sall, le PDG de Wal Fadjri reste fidèle à ses principes de «contrepouvoir» qui n’est pas «contre le pouvoir». Depuis qu’il est à la tête de l’État du Sénégal, Macky Sall l’a reçu plus d’une fois. Pourtant, au mois de mars 2016, quand le Président SALL a voulu modifier la Constitution pour rallonger son mandat, Sidi Lamine Niass s’y est opposé et a publiquement demandé à voter «Non» au référendum.
Il était quand même un « incompris » aux yeux de bons nombres de sénégalais parce qu’étiqueté comme un ‘’contre-pouvoir’’ pour certains, ‘’contre le pouvoir’’ ou « éternel mécontent » pour d’autres, ce, d’un entendement différant d’une personne à une autre. Il est certain que beaucoup chercheront à se procurer son livre « L’Etranger parmi les siens » maintenant qu’il n’est plus là. Parce que c’est lorsque l’on meurt que les autres cherchent à mettre des mots sur celui ou celle que l’on était, profondément, au-delà des jugements, qui se cantonnent à la face de l’iceberg. Un passage de ‘’L’étranger parmi les siens’’ traitant de sa biographie en dit certainement mieux et plus que n’importe quelle tentative d’explication.
« Un intellectuel africain se retrouve étranger parmi les siens. Il erre, perplexe, restant ballotté entre son ego et ses multiples dimensions, entre le sujet et l’objet, mais aussi entre le conscient et l’inconscient. Il navigue entre deux types de sociétés. L’une orientale, arabo-islamique qui reste, pour lui, la terre promise, le rêve de son cour. Il l’imagine, de loin, tel un eldorado. Mais il s’était perdu entre la réalité et le rêve. L’autre société est sa terre natale, où il retrouve cette même solitude auprès des siens. Ce fut chez lui le début de la révolte contre le régime politique en place. »

