La nouvelle enquête dénommée «Pandora Papers» du Consortium international des journalistes d’investigation (Icij) a révélé l’évasion fiscale de 35 chefs d’Etat, 300 responsables publics et 130 milliardaires impliquant de nombreux dirigeants internationaux qui ont dissimulé des milliards de dollars dans des comptes off-shore.
L’enquête a réuni 600 journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), et se base sur l’étude de 11,9 millions de documents.
336 dirigeants de premier plan
Au total, 29 000 sociétés off-shore sont exposées par les Pandora Papers. Et parmi les célèbres noms qui y auraient eu recours, on trouve de très hauts responsables politiques – à l’instar du roi de Jordanie, des présidents du Kenya et de l’Équateur ou du Premier ministre tchèque. Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a ainsi créé au moins une trentaine de sociétés off-shore, c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse. Par le biais de ces entités, il a acheté 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars. La Jordanie a rejeté les allégations « inexactes, déformées et exagérées » contre Abdallah II. Ces informations constituent une « menace pour la sécurité du monarque et celle de sa famille », d’après le communiqué du palais royal.
Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, son frère et 7 membres de sa famille cités
Concernant le Kenya, l’on apprend en outre que les noms de sept membres de la famille Kenyatta sont cités par les Pandora Papers comme étant diversement liés à 11 sociétés et fondations offshore. Les documents révèlent que des membres de la famille ont utilisé des sociétés offshore pour acheter trois propriétés au Royaume-Uni. L’un d’eux, un appartement près de Westminster à Londres, d’une valeur estimée à 1 million de livres sterling, était jusqu’à cet été loué à un membre du Parlement britannique. Quant au petit frère du président kenyan, Muhoho Kenyatta, il posséderait une société offshore avec un portefeuille d’espèces, d’actions et d’obligations d’une valeur de 31,6 millions de dollars en 2016. D’autres documents de la fuite montrent une fondation créée au Panama en 2003 pour la mère du président, désormais âgée de 88 ans, « Mama » Ngina Kenyatta. À sa mort, tous les actifs détenus dans la fondation devaient passer à son fils, Uhuru. En 2018, celui-ci, interrogé par la BBC sur la richesse de sa famille, déclare tout de go : « J’ai toujours déclaré que ce que nous possédons, ce que nous avons, est ouvert au public. En tant que fonctionnaire, je suis censé faire connaître ma fortune et nous le déclarons chaque année ».
Le roi de Jordanie et ses 36 sociétés
Parmi les utilisateurs des sociétés mis au jour par les Pandora Papers, figure notamment le roi Abdallah II de Jordanie. Pour l’aider à acquérir secrètement 14 résidences de luxe d’une valeur de plus de 106 millions de dollars aux États-Unis et au Royaume-Uni, un comptable anglais installé en Suisse a travaillé avec des avocats des Îles Vierges britanniques. Parmi ces résidences, le roi a acheté une propriété de 23 millions de dollars surplombant une plage de surf californienne grâce à une société domiciliée aux Îles Vierges britanniques. Pour cela, 36 sociétés fictives ont été créées entre 1995 et 2017. Des courriels internes montrent qu’Alcogal et son conseiller suisse ont discuté de la manière d’éviter de divulguer le nom du monarque aux autorités des Îles Vierges britanniques. Dans ces documents, les conseillers offshore utilisent un nom de code pour le désigner : « Tu sais qui ».
Quant au Premier ministre tchèque, Andrej Babis, il a placé 22 millions de dollars dans des sociétés-écrans qui ont servi à financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété située à Mougins, dans le sud de la France. Le président équatorien, Guillermo Lasso, a lui logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud.
Dominique Strauss-Kahn et le Maroc
Au total, des liens ont été établis par l’ICIJ entre des actifs off-shore et 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan, qui ont créé près de 1 000 sociétés, dont plus des deux tiers aux Îles Vierges britanniques. Parmi les personnalités exposées se trouvent également la chanteuse colombienne Shakira, le mannequin allemand Claudia Schiffer ou la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar.
Apparaissent aussi les noms de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a réalisé l’achat d’un bien immobilier à Londres par le biais d’une société à l’étranger, et de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn. L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d’honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d’impôts, selon les documents examinés par l’ICIJ.
Le président kényan Uhuru Kenyatta a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption dans son pays et à obliger les officiels kényans à la transparence quant à leur patrimoine. Pourtant, selon le volet des Pandora Papers qui lui est consacré, le chef de l’État kényan possède une fondation au Panama, et plusieurs membres de sa famille directe possèdent plus de 30 millions de dollars logés dans des comptes off-shore.
Créé en 1997 par le Centre américain pour l’intégrité publique, l’ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017. Son réseau compte des journalistes d’investigation dans plus de 100 pays et territoires, ainsi que quelque 100 médias partenaires. L’ICIJ s’est fait connaître, début avril 2016, avec la publication des Panama Papers, une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d’un cabinet d’avocats panaméen.