A lui seul, il incarnait la République. Bruno Diatta est décédé ce vendredi 21 septembre 2018 laissant derrière lui l’image d’un homme discret et travailleur.
Bruno Diatta est entré au Palais de République à la veille de l’année 1980. Vers la fin de l’année 1978 plus précisément. Plus de 40 ans après, Bruno a marqué son emprunte indélébile au service de protocole du Palais, et est devenu une référence en Afrique.
Bruno est arrivé au Palais, suite à de brillantes études effectuées au Sénégal et à Paris dans les années 1970. Son sérieux n’a d’égal que sa ténacité.
La vingtaine ambitieuse et des idées pleines la tête, Bruno débarque en France après son Bac avec la ferme volonté de réussir ses études à Sciences-Po Toulouse (France). Sa Maîtrise en poche, Bruno Diatta retourne au Sénégal en 1976 pour intégrer l’Ena (Ecole nationale d’administration).
Entre-temps, Assane Seck devient le chef de la Diplomatie sénégalaise. Charmé par le parcours brillant du jeune Bruno, le ministre des Affaires étrangères Assane Seck fait appel au «jeune d’alors bardé de diplômes». «Je l’ai nommé conseiller technique à mon Cabinet, car il était tellement brillant et je ne voulais pas qu’il se fasse détruire sa carrière dans les ambassades», raconte M. Seck.
Bruno Diatta, frais émoulu de Sciences-Po Toulouse, étonne par son sérieux et son sens de l’initiative. Il ne va pas tarder à taper dans l’œil du Président Senghor qui, lors d’une visite de routine au ministère des Affaires étrangères, tombe sous le charme de ce garçon séduisant et brillant. Bruno Diatta se voit très vite désigner Chef de protocole à la faveur d’une promotion de Cheikh Lèye, au rang d’ambassadeur du Sénégal en République fédérale d’Allemagne en 1979. Bruno a alors les pleins pouvoirs et règne en maître au sein du service de protocole. Il participe et anticipe, étonne et détonne par sa discrétion et son sens de l’organisation.
Les pouvoirs passent, les Présidents aussi, mais Bruno, lui, reste toujours au service de la Présidence. Inamovible et inoxydable. Sans se lasser de cette longévité qui semble le ravaler au rang d’immortel.
Des soirées glauques où la République a vacillé, des matins blafards où le pays a failli sombrer, des inconstances et faiblesses de nos plus hauts gouvernants, des complots ourdis au nom de la raison d’Etat. Il a servi de béquille au vieillissant Senghor, offert à Diouf ses meilleures années, appris à Wade les règles de la République et accompagné Macky dans ses premiers pas. Sans jamais dévier de la voie de la loyauté silencieuse.
Le fils d’Edouard Diatta, un Diola, ancien ministre des Travaux publics de la Loi Cadre 1956 et d’une mulâtresse saint-louisienne, Clothilde D’Erneville, une cousine à Annette Mbaye D’Erneville, vogue assez loin des turpitudes de son époque. Dans les moments de détente, il mène sa barque loin des tumultes de Dakar et de ses voisins de bureau au Palais.
Enfant, le jeune Bruno a vécu écartelé entre deux régions, la Casamance naturelle, précisément à Oussouye, terre de ses aïeux Diola, et Saint-Louis où son fonctionnaire de père a servi dans l’Administration. Dans la «vieille ville», la famille Diatta coule des jours paisibles, partagée entre le goût des poissons fumés et le petit lycée de la rue Neuville. «C’est un passionné de foot, raconte son ami Charles Gérard. Il aimait jouer dans l’axe de la défense. Il a même eu à casser les jambes de deux de ses camarades. Sa passion pour le ballon l’a poursuivi jusqu’à l’Ena.»
Plus tard, la famille Diatta rejoint Dakar, où Bruno se révélera complice avec son jeune frère Benjamin, actuel directeur de la société de fret à l’aéroport Léopold Sédar Senghor et sa sœur Françoise. Il épousera Thérèse Turpin, actuelle gérante de la galerie Kemboury au Point E et qui partage depuis une quarantaine d’années la vie de Bruno Diatta, avec lequel elle a trois enfants (2 filles, 1 garçon). «Son épouse a beaucoup d’influence sur lui», témoigne un des amis de la famille.

