En Gambie, un groupe d’anciens migrants rapatriés de Libye l’année dernière a décidé d’agir face au départ en masse des jeunes du pays. Ils ont formé une association pour partager leur expérience et décourager les candidats au « back way », la route de la migration illégale vers l’Italie. Et pour toucher les jeunes les plus concernés, dans les villages les plus reculés, cette association nommée « Youths Against Irregular Migration » « Jeunes contre la migration illégale » organise des tournées dans le pays.
Dans la cour de l’école située sur la rive nord du pays, Ebrima Sambou partage ses souvenirs des deux années »terribles » qu’il vient de passer en Libye. Face à lui, un public de jeunes gambiens très attentifs. « Voici les seules choses que j’ai connu en Libye, dit-il. Les tortures, la prison, l’esclavage. On m’a même forcé à frapper quelqu’un. Je ne pouvais plus parler à ma femme. La dernière fois qu’elle a pu entendre parler de moi, c’est lorsque j’ai essayé d’embarquer dans un bateau pour l’Italie. Vous, dit-il en leur pointant du doigt, vous êtes les leaders de demain, nous ne voulons pas que vous viviez cela. »
Des souvenirs qu’il préférerait oublier mais, Ebrima veut que leur expérience serve de leçons aux jeunes.
Un an plus tôt, la plupart des membres de cette association se trouvait en prison. Quand elle regarde le public qui l’écoute, Mame Diarra Mbaye, se souvient de son vécu là-bas. « Je suis allée à Tripoli parce que, une fois diplômée, j’ai cherché un emploi mais je n’ai trouvé aucune opportunité. Je ne peux même pas parler de ce que j’ai vu là-bas, dit-elle émue, c’est très dur. J’empêcherai même mon ennemi de faire ce voyage. »
Pour bien faire passer son message, l’association utilise aussi la musique et le théâtre. Une action efficace selon Ramatoulaye, une lycéenne de 16 ans. « Après tout ce qu’il s’est dit ici, je suis sûre de ne jamais opter pour l’immigration clandestine. A l’école, il y en a certains qui envisagent de tenter leurs chances. Je les entends en parler. Je suis sûre que cela va les faire changer d’avis, » pense-t-elle.
Le bus s’arrête aussi dans les villages, dans les rues pour des discussions avec les parents, les chefs de village, les imams. Une opération réalisée sans l’aide du gouvernement par la seule volonté des créateurs de l’association comme Moustapha Salla. Il précise que c’est dans leur prison que tout a commencé. » Dans notre prison libyenne on s’est réunis et on sait promis qu’en rentrant, on allait sensibiliser tout le pays. Ce travail a commencé là-bas car, on s’est dit qu’on est les seuls à pouvoir le faire. »
« On peut y arriver, tu peux y arriver, nous pouvons tous y arriver, » c’est le slogan qu’ils veulent partager.
Ces anciens migrants savent que la sensibilisation seule ne suffira pas, ils espèrent faire ensuite le lien entre les jeunes qui viendront les voir, et les opportunités d’emploi ou de formation dans le pays.

