A cette époque où, plusieurs de nos coutumes ont limite, perdues toute importance aux yeux de bons nombres de sénégalais, notamment de la jeune génération, l’on a tendance à croire que le « Alaarbay Kaaré » (ou mercredi de tous les malheurs) n’a ni importance ni sens aux yeux des gens.
Ce mercredi 15 novembre, les sénégalais se sont réveillés avec le « alarba kaaré ». Une croyance plus traditionnelle que religieuse qui pourtant, occupe une place de choix dans certaines discussions. Dans d’autres, elle est le principal sujet.
Cette coutume est différente des autres car, elle a ses particularités. L’on est sensé ne pas sacrifié au rituel du bain, ni laver ses habits, ni voyager, ni couper ses ongles, encore moins se raser la tête.
Avec ses spécificités, l’on est plus tenté de ne pas s’y plier que d’y abdiquer. Or, la place qu’elle occupait dans l’esprit des sénégalais autrefois est la même qu’aujourd’hui.
Sokhna Adja Faty Diène, la soixantaine, drapée d’un boubou bleu, chapelet en main, affirme suivre cette tradition depuis toujours. « J’ai été éduquée dans une grande famille où la tradition ancestrale était respectée à la lettre. Je suis cette coutume depuis toute petite. Ce n’est qu’un seul jour de toute l’année, l’on peut bien se passer d’eau, cela ne nous fera pas de mal. Et puis, j’entends les gens le prononcer d’une façon bizarre. C’est ‘ »Alarba Karim », au lieu de « Kaaré ». Il y a confusion. Personnellement, poursuit-elle, je forçais mes enfants à suivre à la lettre les interdits de ce jour funeste. Maintenant qu’ils font leurs vies ailleurs, je ne suis pas sûre qu’ils pérennisent cette pratique. Avec eux, l’on ne sait jamais, ils peuvent suivre la masse de ceux qui prétendent que ce mercredi est comme tous les autres jours, » dit-elle, l’air outré.
Il peut être source d’hilarité, rien que de penser que quelque part dans le pays, une demoiselle ou, un monsieur observe ne serait-ce qu’un seul des interdits de ce jour. Cela choque davantage si c’est une demoiselle, qui se passe de bain.
Ndiémé et Mame Penda Dièye sont cousines. La vingtaine, elles suivent toutes deux des études en santé. Le plus surprenant c’est que, de prime abord, elles renvoient une coquette image de leur personnalité. A peine le sujet soulevé, elles partent toutes deux d’un fou rire, et se jettent des coups d’œil furtifs. Face à l’insistance, elles me prennent en aparté et avouent qu’elles ont respecté le point du « no bath today », tenant à se confier loin des oreilles indiscrètes, et surtout loin des garçons qui étaient derrière elles. « Cela fait trois années que nous vivons avec notre grand-mère paternelle. Elle est du Baol. Elle tient à ces traditions comme à la prunelle de ses yeux. Avec elle, c’est sans négociation. Son discours a commencé hier. Depuis quelques temps déjà, je l’entendais demander à ma mère à quelle date correspondrait ce jour, si nous étions au mois du Gamou. Ce matin, elle s’est réveillée plus tôt que d’habitude. Matinale, elle était debout avant nous, raconte-Ndiémé. Telle une gendarme, elle nous y a forcées. » Les filles disent commencer à en avoir l’habitude. « Après tout, cela fait trois années que nous respectons les principes de ce jour ». Et, comme pour rectifier le tir, les cousines Dièye insistent sur le fait qu’elles prennent le soin de se doucher la veille, le soir, afin de parer à d’éventuels complications du corps humain.
Les sénégalais rencontrés ne trouvent qu’une seule explication à la pérennisation de cette coutume. Assane Fall, la cinquantaine, « L’animisme s’est implanté avant la religion. Longtemps les pratiques et croyances animistes ont laissé leurs empreintes sur nous plus que l’on ne le croit. J’ai eu vent de cela sur les réseaux sociaux. J’ai l’impression qu’à travers les messages qu’ils envoient, ils contribuent à la perpétuité de cette tradition, » tonne-t-il
Alarba Karé, c’est quoi ?
Aucune des personnes rencontrées n’a été en mesure de nous expliquer ce qui a été à l’origine de cette croyance.
Déjà le terme est source de polémiques. D’aucuns prononcent « Alarba Kaaré », d’autres « Alarba Karim ». Chérif Diagne, spécialiste en linguistique anglaise éclaire nos lanternes : « Selon certaines sources, au tout début, l’on parlait de « Alaarba carême » en référence au mois de carême chez les chrétiens. En fait, le mois de carême débute le premier mercredi qui vient après le mardi gras. Et c’est de là que s’est opéré un glissement car, les gens ont commencé à se référer au calendrier musulman et la date a progressivement évolué pour finalement coïncider avec le dernier mercredi du mois de Safar ».
Abdou Aziz Doucouré, religieux de son état stipule que dans le Coran, il n’y a aucune référence à cette pratique consistant à ne pas faire un avec l’eau. « On ne m’a jamais appris et cela renvoie plutôt à des pratiques païennes. »

