De Amédine FAYE, Tambacounda
Cette fille rencontrée dans une ruelle du quartier Quinzambougou de la commune de Tambacounda, nous l’appellerons Arame. Elève à son âge, elle reste très attachée à ses traditions peulhs, même si, de temps en temps, elle se laisse bercée dans la modernité. Si sa silhouette laisse indifférent, son sourire, par contre, retient l’attention de tout chacun. Un beau sourire grâce au tatouage de sa gencive.
Arame se rappelle encore ce jour, où elle s’est fait tatouer la gencive. Mais la seule chose qui demeurera pour elle inoubliable c’est la douleur qu’elle avait ressenti en s’adonnant à cette pratique, qui existe chez les peulhs depuis le 19éme siècle.
Le tatouage de la gencive, une pratique ancestrale dont les origines ne constituent pas un secret pour M. Samba Coumba Ba, président de l’association des communicateurs traditionnels de Tambacounda.
« C’est vers les années 1800 que les peulhs ont commencé cette pratique. A l’époque, dans le Djolof, il y avait une jeune fille qui était sur le point de se marier. Elle souffrait aussi d’une maladie buccale. Pour la soulager, ses parents avaient appliqué dans la partie buccale un médicament traditionnel à l’aide de piqure répétitive de brin de bois. Quelques jours après, la bouche tatouée au début pour guérir la petite maladie rend encore la fille plus belle en lui procurant un beau sourire. Son futur mari tombe encore plus sur son charme. Par la suite, toutes les filles du village s’adonnent à cette pratique, faisant ainsi le tatouage de la bouche une mode. Mieux encore ce tatouage devient une exigence pour les jeunes filles qui voudraient se marier. Et celles qui ne suivaient pas cette tendance subissaient les railleries de toute la communauté féminine du village », explique le vieux traditionnaliste peulh.
Trois parties de la bouche sont ciblées pour le tatouage. Si ce ne sont pas les lèvres, ce sont les contours de la bouche ou la gencive elle-même.
Au fil du temps, les femmes tatoueuses ont légèrement évolué dans l’utilisation de matériels destinés au tatouage.
« Si à ses débuts le tatouage se faisait à l’aide de brin de bois issu d’un arbre appelé oulbi en langue peulh, vers la fin des années 50, ce brin est remplacé par l’aiguille », indique Samba Coumba Ba.
Qu’en est-il de la couleur noire qui donne à la femme un beau sourire ?
Le communicateur traditionnel détaille.
« La matière de couleur noire utilisée est du « fimpi » (mot en langue peulh). Cette poudre s’obtient en grillant l’arachide jusqu’ à la carbonisation ».
Malheureusement, la beauté du sourire qu’assure le tatouage de la gencive a un prix à payer : c’est la souffrance et la douleur des piqures de l’aiguille.
« En tatouant, il y a du sang qui surgit à petite dose dans la partie concernée. Et malgré cette saignée, le tatouage se poursuit jusqu’à ce que le sang arrête de couler. Une fois terminé, on attache avec un tissu de la tête au menton pour atténuer la douleur de la partie buccale tatouée qui s’est enflée aussitôt. Après une ou deux semaines, la douleur disparait et la jeune fille retrouve la splendeur recherchée », clarifie Ba.
Outre l’esthétique, le tatouage de la gencive a une utilité médicale car il lutte contre la mauvaise haleine et fortifie les dents.

