En cette ère où le port du voile connaît une révolution. A cette époque où, le nombre de filles voilées n’a jamais été aussi important. Travailler dans une institution financière est, pour la plupart d’entre elles, une utopie.
Travailler dans une banque, une institution financière, le rêve de beaucoup de femmes. Dans les universités privées, elles sont nombreuses, à avoir choisi le métier de banquière. Dans leur démarche ambitieuse, elles voient le plus souvent, leurs attentes dégringolées. Ces femmes portant le voile ont 10% de chance de voir leur rêve devenir réalité. Car, peu d’institutions financières accueillent des voilées au sein de leurs entreprises. Ndeye Anta Mbow, 26 ans, récemment diplômée en banque-finance-assurances, en atteste. Occupée à vêtir une mariée voilée, c’est entre coup de pinceau, mascara et eye-liner, qu’elle partage son expérience. « Je ne compte pas le nombre de C.V qui dort dans les entreprises financières. Depuis ma licence, je n’ai encore aucune expérience professionnelle dans ce domaine. Au début, poursuit-elle, l’air ailleurs, je me remettais en question car, je pensais que je n’avais pas le niveau de compétence requis pour mériter un poste dans ce milieu. Je me sentais mal, car, leur attitude m’a fait douter de moi-même, de mes capacités, au point d’avoir porter atteinte à ma confiance en moi. A ma quatrième tentative, j’ai décidé de ne pas mettre une photo de moi sur mon C.V. Cette décision a porté ses fruits. J’ai reçu un appel du chargé des ressources humaines, me faisant part d’un entretien. Au cours de cette entrevue avec le recruteur, il m’a dit en toute franchise qu’il ne pouvait pas me prendre parce que je suis voilée.» A ce jour, Ndeye Anta, drapée d’une superbe djellaba bleu de nuit, parsemé de fil dorée, dit s’être faite une raison. La jeune femme s’est trouvé une vocation dans la mode. « Je me suis tournée vers le commerce. J’ai bénéficié de l’aide de mon oncle pour monter ma petite entreprise qui s’investit dans la vente de tenues pour « Ibadou » (femme voilée ndrl). Parallèlement, j’assure leurs toilettes lors de leur mariage, cocktail… »
A 25 ans, Fatma Fall, elle, a tout bonnement changé de filière. Son diplôme en banque-finance, en poche, elle s’est tournée vers la gestion en master. « Mon premier et seul entretien dans une banque s’est faite, il y a deux ans. J’étais en deuxième année de licence. A peine l’entretien a-t-il débuté que l’on m’a demandé si je pouvais remplacer le voile par un foulard, me couvrant juste la tête. Mon refus m’a valu le rejet de ma candidature. L’une des banquières m’a dit, « Si vous le portez à la pirate ( foulard noué sur la nuque), à la limite, cela pourrait passer. Mais soit on le porte, soit on ne le porte pas ! S’énerve Fatma. Quelques mois après cet incident, poursuit-elle, une autre institution financière m’a soumise à un test de recrutement, pour un poste commercial. L’entretien s’étant bien déroulé, la dame chargée de cette mission m’a remerciée et m’a dit que les résultats me seraient communiqués par téléphone. J’ai attendu le coup de téléphone en vain. Quelques jours plus tard, j’y suis retournée afin de m’enquérir de la situation. L’on m’a faite savoir que des candidates plus expérimentées que moi avaient été recrutées. J’ai trouvé cela normal, je suis partie, avec l’espoir de trouver un emploi ailleurs. Bien après cela, au cours d’une discussion, un ami travaillant dans cette même structure, m’a appris le vrai motif de mon non recrutement. J’étais la seule fille portant le voile, » révèle t-elle presque abasourdie.
Parmi les femmes interrogées, Fatoumata, étudiante en première année en banque, a été la seule à avoir choisi la ruse, dans sa recherche d’emploi. Plutôt qu’un voile classique, elle a opté pour un turban qu’elle associe à un col roulé. Après plusieurs entretiens infructueux, elle a finalement trouvé un job dans une boutique de bazar. « Ce n’était pas le poste le plus intéressant, mais, c’est le seul où j’ai été prise, « confie-t-elle.
Recueillir les avis des travailleurs des banques relève presque de l’impossible. Ils ont opposé un niet catégorique à se prononcer sur la question. Sous le couvert de l’anonymat, une dame, la trentaine a tenté d’apporter des éclairages par rapport à ce fait. « Dans beaucoup d’institutions financières, dit-elle, l’on exige aux employés une tenue particulière surnommée dans notre jargon, « le dressing code ». Il consiste à adopter un style classique, aux couleurs sobres. Dans certaines banques, on exige un uniforme aux employés. Autant les femmes que les hommes se plient à ce code. Les filles s’habillent en ensemble tailleur, le visage rehaussé par un parfait chignon. Elles adoptent un style classique-moderne. Le problème ne se trouve qu’au niveau du port vestimentaire. »
Ce qui empêche donc l’accès à un poste à la banque relève de l’accoutrement. Le fait qu’un foulard islamique peut déranger un client est l’excuse la plus courante pour interdire celui-ci. Cette banquière trouve que cette justification est quelque peu bancale dans un cadre bureau. Elle affirme : « Cela aurait pu tenir dans le cadre de la vente en boutique. Dans cette sphère, l’image de la vendeuse et celle de la marque peuvent être liées. L’attitude de ces institutions face au port du voile peut être acceptée, dans la mesure où chaque organisation, aussi minime soit-elle fonctionne avec des codes, des règlements que tous, de la haute hiérarchie au plus bas, se doivent de respecter. Et dans une institution telle que celle-ci, ce point du port vestimentaire, est fondamental, » tonne-t-elle.

