Ils ne tarissent pas, ceux qui sortent de la mémoire des vivants, parce qu’ils sont morts. Oubliés, oubliés jusqu’à leur ombre. Toutefois, certains survivent, même si c’est à un temps court de l’histoire mais, ils finissent par disparaître de la mémoire des vivants. D’autres par contre, de par la grandeur de leurs actes, par l’incandescence de leurs œuvres, signent un pacte avec l’histoire. Et celle-ci ne signe qu’une fois. Senghor a signé avec l’histoire et cette signature est de braise.
Ce 20 décembre marque le jour de la disparition du premier Président du Sénégal. L’on se souvient de l’homme d’Etat, l’homme de culture, et d’abord, du bâtisseur de l’Etat-nation sénégalais dont son image est associée. Le destin de Senghor et la marche de ce que fut sa vie politique, intellectuelle, littéraire, sont tout simplement hors norme. Fabuleux et touchant à tout point de vue, l’homme était multidimensionnel.
« Cet homme nous a donné un drapeau, un hymne national. Il a bâti au-delà d’une République, une nation. Il a laissé une administration solide, charpentée. Il a dressé des institutions fortes, nobles et invincibles, » dit-Amadou Lamine Sall, poète, lauréat des grands prix de l’Académie Française.
Il est parti à 95 ans à Verson, France, au même âge que son ami, le foudroyant poète Aimé Césaire, maire de Fort de France. Il repose à Bel-Air dans le même caveau que son fils bien-aimé Philippe Maguilen.
Cette commémoration à haute portée symboliste entretient la flamme du socialisme sénégalais.
Il a dirigé le pays pendant 20 ans avant de passer le témoin à son dauphin constitutionnel Abdou Diouf.
Pour bâtir le Sénégal et en faire un Etat de droit, il a transcendé les contingences ethniques et religieuses de son époque, jeté des institutions culturelles nationales à travers l’Etat. Le Sénégal moderne et réputé pays démocratique doit beaucoup à Léopold Senghor sa stabilité politique. Dans son ouvrage « Liberté II, » il soutenait : « la nation n’est pas un produit naturel comme la patrie. »
Aujourd’hui, il y aura recueillement et prières au cimetière de Bel-Air, suivi d’un dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe du Président Senghor. Après, ce sera au tour des panélistes de réfléchir sur l’« actualité de la pensée de Senghor. »
Cette 16e édition donnera aussi l’opportunité aux militants et responsables du parti de revisiter l’œuvre, et les pensées du feu Président à travers un colloque.
L’on se souvient de l’homme de Lettres qu’il fût. Chantre de la négritude, il est le premier noir agrégé en grammaire poète et écrivain. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, entre autres, Chants d’ombres, Hosties noires, Ethiopiques. Son amour pour la langue française était universellement connu. Sans doute que s’il était encore parmi nous, la nouvelle grammaire française née lui aurait donné des hoquets de colère car, le temps numérique du monde semble inflexible aux « francopophages », piétinant l’exigence et la noblesse insulaire d’une si belle langue assiégée par des pesticides.
Et le PS alors ? Son parti, qui se déchire sur son legs. Qu’aurait-il dit ?

