Cela fait combien de temps que la polygamie est présente dans nos vies ? Combien de temps, qu’elle régit le code de la famille ? En plus des contes, nos enfances ont été bercées par des récits de familles polygames qui, pour la plupart, ont mal tourné.
Puisqu’elle est si bien ancrée dans notre société et nos familles, nous aurions pu en cerner les rouages. Pourtant, les familles polygames se font toujours avoir.
Une famille polygame, l’on en trouve presque dans tout quartier. Déjà, il est plus difficile d’en trouver une où l’harmonie, et la paix règnent en maître. Le contraire est plus qu’improbable.
A la Gueule-Tapée, une famille y est tristement célèbre. Célèbre pas grâce, mais à cause des dérives des membres de la famille. Les voisins, se connaissant entre eux, nous pointe la maison du doigt.
Assise dans une humeur méditative, les mains sur le menton, la mine d’Aissatou Dianka confirme l’appréhension causée par l’affirmation d’une de ses voisines. La parole est la plus dérisoire des moyens de communication. Il y a des moments où le silence est bavard. L’expression du visage, le regard, s’expriment parfois mieux que les mots. La maison, modeste, abrite deux épouses et huit enfants.
Aissatou est la seconde de Rahmane âgé de 50 ans. La différence d’âge n’a pas été un frein mais, les incessantes disputes avec sa coépouse découleront sans doute sur une conséquence fâcheuse.
« J’ai décidé que je serai deuxième femme. Ça, je ne m’en cache pas. Votre venue dans cette maison n’est pas fortuite, nous-dit-elle levant les yeux vers nous. C’est vrai, dit-elle, notre maison ne respire ni joie, ni harmonie. Nous sommes même habitués aux disputes, dit-elle d’un air résigné. » Sa voix laisse perler une peine impossible à cacher.
Dans la cuisine, sa coépouse s’affaire à la cuisson du repas. Mame Bousso, elle porte le nom d’une femme donnée en exemple aux filles, le jour où elles rejoignent le domicile conjugal. Interrogée sur son quotidien, Mame Bousso dit regretter juste de faire souffrir ses enfants. « Ça ne va pas, dit-elle en remuant la tête. Ma fille aînée a 20 ans. Je suis consciente que nous leur donnons mauvais exemple. Pire, nous leur faisons du mal. Elle ne veut pas entendre parler de polygamie à cause des problèmes de sa tante et moi. Il nous arrive de nous disputer devant nos enfants. Il n’est pas aisé de retenir sa colère, c’est même pire. Car, à la longue, elle explose, violemment. »
Le mari parti travailler n’a vent de ce qui se passe dans sa maison que par les voisins.
A ce niveau, il est important de préciser que les femmes acceptent d’évoluer dans un ménage polygame pour diverses raisons. Première, deuxième, troisième, quatrième position, peu importe pour certaines. Car, l’entrée dans une union polygamique correspond le plus souvent, pour elles, à une urgence sociale.
Le célibat est encore mal vécu. Il est même traumatisant pour beaucoup d’entre elles. Le mariage demeure la seule alternative, à cause des pressions familiales, sociales. Ce qui fait que lorsque le célibat se prolonge, elles le vivent avec angoisse, amenant même certaines femmes à ne plus être trop regardantes sur leurs prétentions matrimoniales. Dans une société comme la nôtre où le mariage reste une obligation urgente, la concurrence entre les femmes est accentuée par leur surnombre relatif.
Ceci, est le cas de Sokhna Mariétou, la jeune femme de 26 ans acceptant d’être troisième épouse parce que selon elle, ce n’est que le mariage qui donne un statut social enviable. « J’ai toujours craint la solitude. Et le regard peu tolérant de la société à l’égard des femmes célibataires passé un certain âge m’était intolérable, » confie-t-elle. Au sujet de son vécu quotidien dans sa famille, elle affirme que ce n’est pas rose tous les jours. « Chaque jour n’est pas dimanche. Parfois, je me crêpe le chignon avec celle qui me pose le plus de soucis, la deuxième femme. Le quotidien de trois coépouses partageant le même toit n’est jamais aisé. Seulement, est-ce-que l’on a le choix ? » Pose-t-elle.
Diverses attitudes à l’égard de la polygamie sont relevées chez les femmes, allant de l’hostilité à la résignation, en passant par le réalisme.
Les réactions féminines reposent cependant sur un fond latent d’opposition à cette institution. Cependant, tiraillées de partout, la pression sociale est telle vis-à-vis du mariage que certaines femmes non mariées sont prêtes à entrer dans une union polygame, et à conforter, malgré elles, cette institution.
Que devient la polygamie dans un contexte d’accentuation de la crise économique et de détérioration du niveau de vie ? Et quelles en sont les nouvelles configurations ? Les hommes se déclarent en général plutôt favorables à la polygamie, et ce, quel que soit leur niveau d’instruction.
La solution selon Hamath Thiam, c’est de disposer de moyens financiers et d’avoir des dispositions (le sens de la responsabilité) pour bien gérer plusieurs épouses. Que chacune puisse vivre sous son toit séparément. Et que l’époux dispose des capacités (responsabilités et justice) pour pouvoir vivre, même si ça reste difficile, en harmonie avec ses épouses et ses enfants. « Je l’ai compris le jour où j’ai entendu mes filles surnommer leur tante ‘sorcière’, » lâche-t-il. Les demeures séparées sont l’idéal pour l’homme à la barbe gris, lui-même époux de deux femmes, qui ne cesse de préciser que ne pas être pour la polygamie ne doit, en aucun cas pousser un homme à signer monogamie.
Ce qui est étonnant dans ces genres de familles, c’est que chacun rejette la faute sur l’autre. La première épouse dit que c’est la deuxième, la deuxième dit que c’est la première, et le mari dit que ce sont les deux. La question que l’on devrait se poser c’est, est-ce que la polygamie participe à la pérennité des familles, moteur de création de richesse, source de développement d’un pays ? Puisque, la plupart d’entre elles meurent avec la disparition du père fondateur et chef de famille. Car, ne cherchant pas à perpétuer l’héritage, mais à se le partager…