De Abdoulaye Faye, correspondant de Téranganews à Diourbel
A deux jours du grand magal de Touba, Téranganews s’intéresse au sens du travail de la confrérie mouride comme l’a enseigné Serigne Touba.
Le terme de » tarîqa » est employé en arabe pour désigner la confrérie. Il signifie une » voie et une règle de vie « . La tarîqa a d’abord désigné une méthode de psychologie morale pour guider pratiquement des vocations individuelles ; elle est devenue un ensemble de » rites d’entraînement spirituel préconisés pour la vie commune, dans diverses congrégations musulmanes « . Ces rites consistent à appliquer, observer, » des obligations islamiques ordinaires, mais aussi des prescriptions spéciales à chaque confrérie ». Ces prescriptions sont tirées du Coran, de la Sunna ou des faits et dits du fondateur de la confrérie. Cette imitation du comportement du fondateur, qui guide vers la » voie » menant à Dieu, constitue la spécificité de chaque confrérie. Chaque guide fondateur a ses particularités et celles-ci constituent même l’une des bases du soufisme. En effet les confréries se rattachent à la philosophie du soufisme et les guides ou fondateurs sont des soufis. Cheikh Ahmadou Bamba est lui-même un soufi. Ce terme est issu de l’arabe » sûf » désignant un vêtement en laine simple porté par ces hommes.
Le soufisme a été traversé par deux tendances. La première est basée sur l’interprétation littérale du Coran, de la Sunna. Elle a donné naissance à des soufis vivant détachés de toute relation avec le terrestre, marchand pieds nus, portant des vêtements usés et vivant en état de quasi marginalité. Ils étaient surnommés les » shariatiques « . L’autre tendance est dite » mystique » et » préconise une interprétation symbolique ou allégorique des textes sacrés » dont elle recherche le » sens ésotérique « , caché. C’est à cette seconde tendance que Cheikh Ahmadou Bamba s’apparente.
Le fondateur du mouridisme est un mystique qui, refusant l’islam monastique, développe ce qui va être appelé la philosophie du travail. Elle désigne effectivement, en premier lieu, le travail physique, au sens occidental du terme, qui permet d’acquérir une indépendance financière et permet de vivre décemment, sans mendier. Cette idée de Cheikh Ahmadou Bamba est, baptisée par les différents auteurs par l’expression de » sanctification par le travail » et résumée par la célèbre formule de Cheikh Ahmadou Bamba : » Travaille comme si tu ne devais jamais mourir, et prie comme si tu devais mourir demain « . Ce qui à l’époque de Cheikh Ahmadou Bamba était nouveau, compte tenu du système de castes issu des royaumes wolofs où ceux qui travaillaient, les castes professionnelles, avaient un statut inférieur. Cette valorisation du travail physique, chez Cheikh Ahmadou Bamba, diffère également de la conception originelle occidentale où le travail était considéré comme une torture et comme une sanction au début du christianisme. En effet, le terme de travail vient du latin » tripaliare » qui signifie » tourmenter, torturer » avec le » trepalium » qui est un instrument de torture. Et dans le christianisme, l’homme a été amené à travailler, à la suite de la damnation d’Adam. Dans la Genèse, il est dit à Adam : » maudit soit le sol à cause de toi ! A force de peines tu en tireras subsistance tous les jours de la vie […] A la sueur de ton front tu mangeras ton pain jusqu’à ce que tu retournes au sol « .
Cependant cette exaltation du travail, dont le travail physique pour gagner sa vie, n’est qu’une des conceptions, des logiques de travail des mourides, ce que Cheikh Ahmadou Bamba nomme le » Kasb « . Dans son poème mythique, Massalik-Al-Jinan, traduit par le traducteur de la confrérie mouride, Serigne Sam Mbaye, il parle du travail pour gagner sa vie, en terme de » kasb « , en disant » Sache que l’abandon à Dieu, exclut nullement le » kasb » (le travail pour gagner son pain). Ne perds pas ton temps.