Pas plus tard que ce 14 août 2018, une vidéo d’un vol a fait le tour des réseaux sociaux. On y voit une femme, vêtue d’un meulfeu, dissimulant un greffage sous ses aisselles. Cela devient récurrent maintenant à chaque fois que les fêtes approchent.
La fièvre de la Tabaski, ce n’est pas pour rien que les gens le surnomment ainsi. Partant du constat selon lequel certaines jeunes femmes sont prêtes à tout pour la Tabaski, des cas de vols sont de plus en plus constatés.
Le vol a longtemps été une chose réservée aux hommes. C’est d’ailleurs pour cela que l’étonnement se lit souvent sur certains visages lorsque la donne change.
Presque 11h, au marché Tilène. L’effervescence est à son comble. Les boutiques sont prises d’assaut par des femmes, jeunes, pour la plupart. Dans ce vacarme où s’entendre est mission impossible, des vendeurs en rajoutent avec leur manie de crier à tue-tête pour attirer les clientes.
Au détour de la première ruelle, se dresse, bien en vue, la boutique d’Abdourahmane. Debout derrière son comptoir, habillé d’un jellaba assorti d’un bonnet gris, le ressortissant malien a à peine le temps de souffler. Son nom, crié dans tous les sens, pour le prix de tel ou tel autre tissus ou pour demander une autre couleur de tel ou tel tissus, renseigne à juste titre, de la nervosité qui gagne les esprits féminins. Interrogé sur les vols récurrents, Abdourahmane s’exclame : « Eh Allah c’est exactement ce à quoi je fais fasse en ce moment, » se lamente-t-il presque. « Durant le week-end, je faisais mon inventaire. Je le fais généralement au milieu de la nuit. En ce moment, je me suis rendu compte que des bagages manquaient au compte. J’en ai compté deux tissus getzner et un en soie, ‘originale’, » insiste-t-il. Le pire selon lui c’est qu’une plainte serait une perte de temps : « Je ne peux pas porter plainte. Cela me prendrait du temps et en ce moment c’est précisément ce que je n’ai pas. Je gère la boutique seul en attendant que mon neveu arrive. Je ne pourrai pas gérer des démarches comme celui-là, » prétexte-t-il. Il ne veut pas perdre du temps parce qu’en cette dernière semaine de préparatifs, le temps c’est de l’argent pour les commerçants.
Nous prêtant l’oreille, Famara Kady Cissokho secoue la tête en signe de désolation en jetant des regards incompris. Interpellée sur la question, la dame d’une trentaine d’années confie que lundi dernier 13 août, elle a été témoin d’un vol au marché HLM. « Sincèrement, je ne sais quoi penser de cette situation. C’est plus que désolant que des femmes se rabaissent jusqu’à pareil niveau juste pour satisfaire des besoins superficielles, » lâche-t-elle tournant la tête.
Il est vrai qu’en observant le comportement de beaucoup, dans la société sénégalaise, un sentiment d’incompréhension nous enveloppe vite. Un « comment », est tout ce qui nous vient à l’esprit. Se poser et essayer de trouver les raisons de tout ce renversement de situation.
Ces vols touchent même les vendeurs à la sauvette qui squattent les trottoirs de ce marché. Cela, Ngagne Demba FAYE, la vingtaine, habillé d’un tee-shirt d’origine blanc devenu presque marron, le confirme avec véhémence. « Les femmes dérobent mieux que les hommes maintenant et avec une finesse telle, qu’elles passent, la plupart du temps inaperçues, » dit-il, un sourire aux lèvres. Cette remarque crée l’hilarité chez les femmes présentes autour de lui. Pourtant, elles ne pipent mot sur ce que vient de relever ce vendeur de tissus. « Je souris parce que je ne peux m’en empêcher, poursuit-Ngagne. L’habileté avec laquelle elles nous dérobent nos marchandises c’est juste fou, » dit-il.
En prenant congé, Ngagne Demba nous pointe une boutique de cosmétiques selon lui, habitué des faits. A la seconde où notre question est formulée, le gérant, Kabirou Ndiaye attrape son menton, observe le plafond quelques secondes, comme pour se rappeler des nombreuses fois où il a été victime de ces vols. « Vous voyez ces caméras-là, dit-il en nous les montrant du doigt, je les ai placés durant les préparatifs de la fête de korité. Ces femmes m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Cheveux naturels, lait éclaircissant, tout y passe. Elles viennent par groupe, en te tuant avec leurs marchandages, au moment où d’autres mettent tranquillement tes bagages dans leurs sacs. Tu ne t’en rends compte qu’une fois qu’elles disparaissent, parfois même plus longtemps, » renseigne-t-il.
« Elles viennent au marché avec un budget minime et veulent avoir les choses de qualités ce n’est pas possible, » s’exclame-Kabirou presque furieux. « Tu possèdes une somme de 50 000 francs CFA mais aspire à quelque chose qui coûte plus. Tu n’en a pas les moyens et alors. On peut se vêtir avec peu, » grogne-t-il. « Elles veulent tout avoir sans suer auparavant, » poursuit-son collègue de travail, Serigne Fallou. « Il n’y a pas quatre raisons pour l’expliquer. Parce qu’il y’en a même qui se croient plus maligne en essayant l’arnaque. Elles viennent, bien habillées et tout, explique-t-il, te demandent de leur sortir les cheveux naturels les plus chers, font leur choix, débutent le marchandage puis te tendent 50 000 francs, prennent la marchandise et te donne un délai d’un jour pour régler le montant restant. Vous vous rendez compte, interroge-t-il, une femme que tu vois pour la première fois. Elles abusent, vraiment. »
« On aura tout vu avec ces femmes », disent-ils comme pour conclure.