Le procès pour terrorisme des 29 accusés a repris ce lundi 30 avril 2018 après une pause intervenue depuis ce jeudi. Et ce jour, ce sont les deux principaux accusés de ce groupe de 29 accusés de terrorisme, à savoir Matar Diokhané et Imam Alioune Badara Ndao. Les deux têtes de pont défilent à la barre pour leur audition par la chambre criminelle à formation spéciale.
Au treizième jour du procès de imam Alioune Badara Ndao et Cie, c’est autour de Matar Diokhané d’être attrait à la barre ce lundi 30 avril 2018, Matar Diokhané a rembobiné le film de sa rencontre avec le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau
Abu Anwar de son nom de guerre ou de djihad, Matar Diokhané est né le 14 août 1986 et fait office d’enseignant en arabe depuis 2007.
Il a fait ses humanités entre Dakar et Kaolack. Invité par le tribunal à formation spéciale de décliner son parcours, l’accusé dit avoir fait l’école à Dakar avant de les poursuivre jusqu’en classe de 1ère S à Kaolack. Etudes qu’il a arrêté pour se consacrer à l’apprentissage des sciences religieuses.
A la barre du tribunal, ce lundi 30 avril 2018, Matar Diokhané dit avoir fait office de maître coranique vers les années 2007, à Bambilor avant de rallier la Mauritanie. De retour au Sénégal, il est reparti au Nigeria où il a pu décrocher, avec l’aide du sénégalais Moustapha Diop un contrat d’enseignant à Handaq proposé par un tchadien du nom d’Abou Sahid.
« Par le biais de Moustapha Diop, j’ai négocié mon salaire et nous avons convenu d’émolument à hauteur de 1500 euros », révèle l’accusé au tribunal.
Matar Diokhané de raconter qu’ « après avoir reçu le titre de transport que lui a envoyé le même homme à travers Ibrahima Bâ, il a rejoint son poste à Handaq qui se trouve à 6 kilomètres d’Abadam. Un lieu de transit de combattants de Boko Haram où Matar Diokhané a fait 45 jours, le temps d’être transféré à Handaq par Abu Amir qui était mon hébergeur », dit-il.
Mais d’emblée l’accusé a balayé en touche le fait qu’il est considéré par ses compatriotes arrêtés comme étant leur chef. Il soutient simplement avoir intervenu en faveur de ses compatriotes qui avaient des bisbilles avec ce dernier uniquement pour les aider.
De sa rencontre avec Abubakar Shekau qui était dans un village caché dans la forêt de Sambissa, Matar Diokhané révèle avoir eu un entretien avec le redoutable chef de Boko Haram. Un échange de 9 heures à 17 heures et qui a porté sur deux axes à savoir la détention de la carte d’identité et le takhfir.
L’accusé de concéder au tribunal qu’il a d’abord fait acte d’allégeance à l’égard de Shekau avant d’engager la discussion au cours de laquelle, « j’ai remarqué que je l’ai impressionné ». « J’ai profité de cet avantage pour lui dire que je n’étais pas d’accord avec sa conception selon laquelle détenir une carte d’identité relèverait d’un acte de mécréance ».
« Nous avons aussi discuté du takfir et je lui ai exposé ma position », Matar Diokhané de poursuivre avoue avoir obtenu de l’émir de Boko Haram qu’il libère les sénégalais. « C’est en quittant sa base que Aboubacar Guèye m’a remis 6 millions de nairas (15,6 millions FCFA). Argent dont la moitié lui revenait de droit. Les autres 3 millions de naira, représentant plus de 7 millions FCFA ont été remis aux sénégalais candidats au retour.
A ce propos, le mis en cause a déclaré que « son principal interlocuteur était Moussa Aw à qui il a remis 5000 euros. Mais étant entendu qu’il avait intercédé en leur faveur et qu’il était hors de question qu’il se mette en danger ou mettre en péril la vie de ses proches restés au Sénégal, il s’est voulu très clair vis à vis de ses compatriotes qui étaient sur le chemin du retour. « Je leur ai fait comprendre qu’ils devaient se mettre sous mon autorité. La deuxième condition consistait à ne rien entreprendre une fois arrivés au Sénégal. En troisième lieu, il était question de les confier à un sage qui les protégerait de toute tentative de récupération par des manipulateurs », avoue Matar Diokhané.
Matar Diokhané a été aussi interpellé sur l’action qu’il a entreprise pour tirer d’affaire la bande à Moussa Aw, arrêtée à Zinder pour détention de faux billets. L’accusé explique qu’il est intervenu en tant que protecteur.
Sur la création d’un état islamique au Sénégal
« Daech projetait d’installer un Etat islamique au Sénégal. J’ai reçu le message. Et, ceux qui sont en Lybie adhèrent à ce projet… » , révèle Matar Diokhané lors de son face à face avec le juge Samba Kane.
Mais, Matar Diokhané a nié être « Abou Hamza Ndiaye », le même qui a éveillé les soupçons des enquêteurs après une publication incendiaire sur Facebook dans laquelle la plus haute institution du pays a été menacé. « Je ne connais pas Abou Hamza Ndiaye », refuse Matar Diokhané qui reconnait avoir reçu le message de Zaïd Bâ qui prônait l’installation d’une cellule de l’Etat islamique au Sénégal ».
Toutefois, il doute du caractère sérieux de ce message qu’il ne se souvient pas avoir parcouru entièrement. Aussi, tient-il à se dédouaner vis à vis des idéaux de l’Etat islamique et d’Al Qaida. « Je ne me retrouve pas dans leur idéologie de vouloir instaurer un Etat islamique », se démarque l’accusé dont l’audition qui a débuté ce lundi est loin de connaître son épilogue.