Isaac, un garçon de 15 ans, a vu un groupe d’hommes attraper une jeune fille. C’était la veille du nouvel an à Kibera, le plus grand bidonville du Kenya, et il savait qu’elle aurait des problèmes. Il savait aussi qu’il n’avait pas la force de se battre contre ces hommes plus grands et plus âgés que lui. Ayant appris à intervenir s’il voyait un comportement de prédateur sexuel, Isaac fait appel à un autre homme pour l’aider à affronter le groupe d’hommes.
« Tout le monde a commencé à se disputer », explique Isaac. Le groupe a indiqué que la fille était leur ‘prise’ et qu’ils devaient la prendre, » poursuit-il. Après 20 minutes, ils ont décidé de la laisser partir.
« Ces histoires que vous entendez sont choquantes », dit Anthony Njangiru, coordinateur-terrain de l’ONG kenyane Ujamaa, formant des garçons comme Isaac afin de lutter et freiner les violences contre les femmes et les filles dans les bidonvilles de Nairobi. « Si nous les garçons et les hommes, faisons partie du problème, alors nous pouvons faire partie de la solution. Nous pouvons être les premiers à changer, » dit-Anthony Njangiru, Coordinateur-terrain de l’ONG kenyane Ujamaa. « Tout le monde n’est pas aussi chanceux », dit-il.
Changement de comportements
M. Njangiru dirige un programme appelé ‘Votre moment de vérité’, destiné à des garçons, âgés de 14 à 18 ans dans les collèges.
Njangiru est l’un des nombreux instructeurs, et les cours qu’il dispense partent de l’éducation sexuelle aux mythes sur le viol, en passant par le consentement, et comment intervenir quand les garçons sont témoins d’une agression sexuelle.
Pour les garçons plus jeunes, âgés de la tranche de 10 à 13 ans, un programme appelé ‘Aux sources de la force’, se focalisant principalement sur la puberté leur est proposé.
Des cours hebdomadaires de deux heures sont dispensés pendant six semaines et chaque classe est divisée en deux : les filles ont leurs propres programmes de formation.
Depuis la création d’Ujamaa, l’ONG a dispensé ses programmes au bénéfice 250.000 enfants dans plus de 300 écoles de Nairobi.
Respecter le ‘non’
« Si elle dit non mais qu’elle ne le dit pas avec fermeté, pour eux c’est un « laissez-passer ». Ils feront juste ce qu’ils veulent, » dit-Anthony Njangiru, Coordinateur-terrain de l’ONG kenyane Ujamaa.
Le programme destiné aux garçons a pour but de les amener à changer leurs perceptions et leurs attitudes à l’égard des filles. Le programme de formation travaille pour empêcher les garçons de penser que si une fille dit « non » au sexe, elle veut dire « oui » ou qu’il est normal de violer une fille si elle portait une jupe courte. « Ils ont tendance à tourner à leur avantage les faiblesses de la fille », explique M. Njangiru.
Les résultats sont impressionnants, selon une étude de l’Université de Stanford aux Etats-Unis.
Après les cours du programme ‘Votre moment de vérité’, le pourcentage de garçons qui sont intervenus lorsqu’ils ont été témoins d’une agression physique et sexuelle sur une fille est passé de 26% à 74%.
Les garçons ont également été jugés moins enclins à endosser des mythes au sujet des agressions sexuelles et les cas de viol par les copains et les amis des filles ont baissé.
Parmi les femmes participant au projet, il y a eu une diminution remarquable de 51% des cas de viol déclarés. Le projet vise à changer les mentalités à Nairobi
Si ce « non » est ignoré, elles apprennent également les techniques de self-défense visant à cibler des points faibles du corps de l’agresseur tels que les yeux, l’aine et les genoux afin de se défendre.
Ce programme kényan a connu un tel succès qu’il est en cours d’expérimentation au Malawi et il est prévu également de le lancer en Ouganda.
À la fin de chaque cours, les enseignants font un « cri » pour s’assurer que tout le monde quitte les lieux.
Dans l’école secondaire de St Joel, dans le nord-est de Nairobi, 30 jeunes filles emplissent la classe poussiéreuse de leurs voix puissantes : « Revenez, je ne suis pas intimidée! »
Répétant le mantra des enseignants à l’unisson, ils chantent : « J’ai dit non, ne me touchez pas ! »
Juste de l’autre côté de la cour, les garçons font la même chose. Vêtus de chemises blanches et de shorts de couleur sarcelle, ils crient et frappent un ennemi invisible. Cette fois, cependant, c’est un message légèrement différent. « La vie va me mettre à l’épreuve », hurlent-ils.
« Je dois être prêt à faire le bon choix. »