En cette période de fraîcheur dans la ville de Dakar qui oserait sortir de chez lui en débardeur ou dans une tenue légère ? Presque personne ! A moins d’être téméraire bien sûr.
Depuis quelques temps, les réflexes se sont installés, quel que soit le style vestimentaire du jour, une veste, écharpe ou survêtement s’y accommode. Et les marchés d’approvisionnement se sont adaptés à la friperie du moment.
Au marché Colobane, les vendeurs à la limite agressent les passants dans le but de vendre leurs survêtements. Mais d’où viennent ces produits dits ‘’friperie’’ ou encore « feugeu-diaye » en wolof ? Qui est derrière ce ravitaillement ? Mouhamad Al Amine vendeur de ballots de tous genres a accepté de nous édifier à ce sujet. Bienvenue !
Du haut de ses 1m80, Mouhamad est le seul des commerçants du marché de Colobane qui a accepté de s’entretenir avec nous, les autres prétextant le refus de leur employeur à s’adresser aux hommes de médias.
Vêtu lui-même d’un survêtement gris et d’une paire de chaussettes blanche et d’un bonnet noir le tout couronné d’une écharpe aussi de couleur noire. Le jeune à la trentaine révolue ne cache pas sa fierté d’être né d’un père vendeur de friperie, d’ailleurs il dit « je suis né de la friperie, mon baptême a été fait avec l’argent de la friperie, c’est l’héritage que mon père m’a légué».
Pourtant, Mouhamad Al Amine ne s’est pas aussitôt familiarisé avec son héritage. En effet, courant 2005, il s’était aventurier au Maroc espérant atteindre l’Espagne. Malheureusement pour lui, les choses se passeront autrement. « J’ai été enfermé 1 mois et 10 jours en Algérie entre In Salah et Tamacine. Puis, j’ai été refoulé au Mali ». S’agissant de la question sur l’immigration clandestine, il répond avec un air gêné « je suis mal placé pour conseiller un jeune frère sénégalais sur cette question ».
De retour au pays, Al Amine va réétudier les possibilités qu’il a avec le commerce et se lancera dans la vente en gros de balle et ballots (ndlr : petit balle). Les prix varient en fonction de l’âge. « Pour les balles des enfants, les prix vont de 65 à 75 mille. Et pour les grands, les balles sont vendus à partir de 70 mille voire 90 mille ».
Les ballots et balles proviennent de l’Europe et du continent américain nous a-t-il renseigné. « Ce sont les expatriés installés dans des pays comme l’Italie ou l’Allemagne qui se chargent de l’achat. Mais, de plus en plus, des toubabs s’y mettent également. Les chinois ont depuis peu, intégré le marché de la friperie, une situation qui n’est pas vraiment du goût du vendeur qui lance « Il y a peu, les chinois sont entrés en action » dit-il dans un ton agacé.
Toutefois, Mouhamad Al Amine ne craint pas la concurrence, ce qui le gêne c’est la qualité qui en découle. Et pour satisfaire sa clientèle, le vendeur a misé sur le ‘’gros’’ en faisant débarquer à chaque occasion un conteneur de 40 pieds avec différents ballots et balles. Cependant, les frais de douane sont un véritable obstacle pour le commerçant qui, débourse des sommes exorbitantes pour dédouaner sa marchandise.« Juste sortir la marchandise, je peux débourser 3 ou 4 millions ». S’il y a une chose qui le réconforte, c’est bien la recette qui en découle. « Il m’arrive de gagner 5 voire 10 millions de bénéfices ». A confié le jeune homme qui envisage de léguer le même héritage à l’un de ces 5 enfants.
Les clients n’en sortent que satisfaits à l’exemple de Ousmane Guèye. Il a toujours été satisfait de sa collaboration avec Al Amine. « D’autres revendeurs comme moi tombent parfois sur des ballots qui n’ont rien de bon comme articles, alors que moi, je n’ai jamais eu ce genre de problèmes. Je ne dis pas que c’est lui (Al Amine) qui fait les ballots, mais j’ai la certitude qu’il collabore avec des personnes de bonne foi à l’étranger machallah (ndlr : qu’il en soit toujours ainsi) ».
Maty Fall Dieng qui est loin de s’imaginer toutes les tracasseries et risques encourus par les vendeurs pour lui proposer ces bats et vêtements qu’elle dit ne pas pouvoir se passer d’en acheter. « C’est de la bonne qualité et à des prix largement abordables. De plus, avec la patience et le ‘’bon œil’’, on trouve des articles de marque et de très bonne qualité comparés aux articles de prêt-à-porter qui coûtent chers et parfois ne sont pas de bonne qualité»,
a confié la jeune fille qui s’est pressée de reprendre les négociations avec un vendeur de pantalons.
11h passées d’une vingtaine de minute, nous prenons congé du marché Colobane, de ses vendeurs, ses clients et klaxons qui retentissent à tout bout de champ. Mais qu’en est-il des klaxons bennes à ordures ménagères dans les quartiers dits ‘’résidentiels’’. A leur passage, ces camions réveillent plus d’un, dérangent même-ci c’est pour la bonne cause.
Nous y reviendrons certainement, c’est juste une question de temps…