La principale dirigeante du gouvernement birman a prononcé, ce mardi 19 septembre au Parlement de Naypyidaw, un discours très attendu sur la crise en cours dans l’Etat d’Arakane, dans l’ouest de son pays. Alors que des voix s’étaient élevées pour s’étonner qu’Aung San Suu Kyi n’ait pas dénoncé la répression de l’armée contre la minorité rohingya dans cette région, elle s’est finalement dite « profondément désolée » pour les civils « pris en piège ».
« La Birmanie est « prête » à faire revenir les plus de 410 000 réfugiés rohingyas qui avaient passé la frontière du Bangladesh pour fuir la répression menée par l’armée contre les rebelles de l’Etat d’Arakane. Nous sommes prêts à commencer la vérification des identités, en vue d’un retour », a déclaré Aung San Suu Kyi. Selon les termes de l’accord de 1992, une simple preuve de résidence en Birmanie devrait être demandée, pas une preuve de citoyenneté. »
Alors que l’armée est accusée d’incendier des villages, de tirer sur des civils, et que les Nations unies parlent ouvertement d’« épuration ethnique », la conseillère spéciale de l’Etat a regretté que des civils se soient retrouvés « pris au piège », se disant « profondément désolée ». « Nous condamnons toutes les violations des droits de l’homme », a ajouté Aung San Suu Kyi.
D’après plusieurs médias occidentaux en l’occurrence Rfi, Le monde, c’est un discours mesuré, qui évoque à la fois la souffrance des réfugiés mais qui défend aussi l’action de l’armée birmane. Face à cette situation délicate, la conseillère spéciale a eu des mots de compassion, mais également des paroles très dures, mettant en doute les raisons de la fuite des Rohingyas.
Selon Rfi, Aung San Suu Kyi a dit que les violences avaient cessé depuis deux semaines, mais que les musulmans de cette région continuaient de fuir. Elle s’est demandée pourquoi, minimisant l’ampleur de la crise, « la grande majorité des musulmans de l’Etat de l’Arakan n’ont pas fui », que « plus de 50 % des villageois musulmans vont bien ». « Les violences ont cessé depuis deux semaines. Depuis le 5 septembre, il n’y a eu aucun combat armé et aucune opération anti-terroriste. Mais, nous nous sentons concernés par le fait que de nombreux musulmans franchissent la frontière et partent pour le Bangladesh. Nous voulons comprendre les raisons de cet exode. Nous voulons parler à ceux qui sont partis et à ceux qui sont restés. Je pense que la plupart des musulmans de l’Arakan ne sont pas partis. Plus de 50% des villages musulmans sont intacts, » a-t-elle laissé entendre.
Pourtant, lors d’une récente prise de parole, la lauréate 1991 du prix Nobel de la paix avait parlé de « fausses informations », d’un « énorme iceberg de désinformation », suscitant de nombreuses réactions.
Ce mardi 19 septembre, au contraire, elle reconnaît les « souffrances » des civils, et a bien identifié ceux qui, dans la communauté musulmane des Rohingyas, ont fui au Bangladesh. Elle a parlé aussi de bouddhistes contraints de fuir, tout comme des membres des plus petits groupes ethniques. « Nous ne voulons pas que la Birmanie soit divisée par les croyances religieuses », a-t-elle expliqué.
Dans ce pays, une loi datant de 1982 stipule que seuls les groupes ethniques pouvant faire la preuve de leur présence sur le territoire, avant 1823 et la Première Guerre anglo-birmane, peuvent obtenir la nationalité. Ce n’est pas le cas des musulmans rohingyas, traités comme des étrangers, et donc apatrides, dans ce pays à plus de 90 % bouddhiste qui leur impose de nombreuses restrictions.
Aung San Suu Kyi a confirmé qu’elle appliquerait les recommandations de la commission dirigée par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Ce dernier avait préconisé d’octroyer des droits aux Rohingyas. Mais la conseillère spéciale de préciser que certaines recommandations seraient appliquées en priorité, et qu’il faudrait attendre davantage pour d’autres, sans plus de précisions.
« Ce n’est pas le rôle du gouvernement birman d’accuser qui que ce soit ou de fuir ses responsabilités. Nous condamnons toutes les violations des droits de l’homme et l’utilisation illégale de la force. Nous sommes déterminés à rétablir la paix, la stabilité et la légalité dans tout le pays. Les forces de sécurité ont été strictement rappelés à un code de conduite, à mener des opérations de sécurité avec toute la retenue nécessaire et à prendre toutes les mesures afin d’éviter des dommages collatéraux et blesser des civils innocents. »