Que de changements, que d’évolution il y a dans notre société. L’on n’ignore sur quel aspect, le poids du temps, n’a pas eu des conséquences. Mais, au sein des foyers sénégalais, changement s’est fait. L’on a longtemps pensé que l’époux, le père de famille portait toutes les dépenses du ménage, à lui seul, sur ses épaules. C’est son devoir, entend-on souvent. En réalité, l’organisation des charges familiales est parsemée de secrets. Il suffit de creuser l’abcès rien qu’un peu, pour être ébahi, par le réel. Ahurissant !
Dans tous les Etats, au cœur de chaque institution, de toute société, des règles sont établies. Indispensables au bon fonctionnement des choses, elles régissent une ligne de conduite à respecter. Dans les foyers, cela ne saurait être une exception. Cette organisation ne surprend guère. Ce sont les secrets qui régissent même cette organisation qui choque. Entre cherté de la vie, soutient au mari, soucis d’épargne, appréhension d’un divorce, autant de raisons avancées pour expliquer ce changement.
M. et Mme Sarr, nous accueille dans leur intimité, dans une pièce jouxtant leur chambre. Dans une ambiance assez cordiale, le couple, vieux de presque vingt ans, nous emporte dans l’univers de leur foyer. « C’est dans un monde en perpétuel évolution que nous sommes. De ce fait, nous sommes tenus d’évoluer avec lui. Mon époux, relate Mme Sarr, gère la dépense quotidienne, les factures, et le loyer. Moi, je prends en charge la scolarité de nos quatre enfants, leurs besoins, et la paie de la bonne. Au début de notre mariage, cela ne se passait pas comme ça. Mon époux gérait, à lui seul, toutes les dépenses. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et cela ne pourrait en être autrement. Car, des enfants nous sont confiés et avec eux, ce sont des charges supplémentaires. » M. Sarr, silencieux sur la question, affirme juste que très peu de salaire perçut mensuellement sont susceptibles de couvrir la totalité des dépenses. « Les besoins ne tarissent pas, les dépenses augmentent de plus en plus. »
A Colobane, près de la gendarmerie, vit un couple qui n’envie rien à ceux, fraîchement mariés. L’impression qu’il dégage est de celle dont fait montre les nouveaux mariés. Avec vingt-huit-ans, de vie commune, ils n’ont rien perdu de la tendresse, de la complicité, qui les a unis. Leur façon de gérer leur foyer en est la preuve. Ils ont adopté une organisation, à la limite atypique. Un tel fonctionnement, en surprendra sans doute plus d’un. Les époux avenant, gèrent leurs dépenses à tour de rôle. « Lorsque mon mari prend en charge la scolarité des enfants, ainsi que les dépenses liées au foyer ce mois, au prochain, c’est mon tour, » explique madame Cissé. Pour cause, le futur de leur famille est évoqué en premier. « Cet argent non dépensé, poursuit-Mr Cissé, sert d’épargne. Nous avons vécu assez longtemps pour comprendre que dans la vie rien n’est acquis éternellement. Nous n’avons aucune garanti du futur. En tant que parent, nous nous devons de penser à la sécurité économique de nos enfants. Ou du moins, jusqu’à ce qu’ils soient sous la responsabilité de quelqu’un d’autre, ou qu’ils puissent voler de leurs propres ailes. Et puis, dans la vie, on assure ses arrières, temps qu’on le peut encore, » dit-il l’air rassuré. Mme Cissé soutient qu’ils ont emmené leur aîné suivre ses études en France grâce à cet épargne.
Les jeunes mariés ne sont pas en reste.
Cette manière de procéder, ne se limite pas seulement dans les ménages de couples vieux de plusieurs années. Les jeunes, se démarquent aussi par cette façon de faire. C’est le cas d’Elisabeth et Emmanuel Bassène. Leur situation matrimoniale a changé depuis 10 mois. Préférant vivre seul, le couple a décidé d’un commun accord, d’unir leurs forces. Le couple dégage une visible sérénité. Laissant la parole à son époux, M. Bassène revient sur leurs choix, et le pourquoi de cette décision. « Cette décision, nous l’avons prise avant le mariage. Mon épouse me l’a suggéré. Lorsqu’elle perçoit son salaire avant moi, elle n’y touche pas, jusqu’à ce que je reçoive le mien. En général, nous percevons nos salaires simultanément. C’est toujours elle qui pose le tout sur la table, parce que pour dire vrai cela me gêne un peu. » Son épouse sourit à cette confession. Elle explique : « Aujourd’hui, les problèmes financiers sont une cause de divorce. C’est pour cela que, nos finances, j’en prends grand soin. Nous faisons les calculs des frais de la maison ensemble. A partir de là, nous en déduisons les dépenses et ce qui peut rester. C’est plus économe, tonne t-elle. Un couple, c’est l’affaire de deux personnes. L’égoïsme n’a pas sa place au sein d’une relation mari, femme. Ce que je lui force à faire ne lui plaît pas. La fierté l’empêche de me demander un seul centime. Mais, étant la mère de son fils, je suis assez bien placée pour savoir ce qui l’arrange, et ce qui m’arrange moi. Si une personne est capable de porter sur ses épaules toute une institution, parce que c’est ce qu’est un mariage, que peuvent alors réaliser deux ? L’union fait la force. S’il mise 50, je mise 50 et tout va pour le mieux, » termine-t-elle satisfaite.
Les changements notés dans différents secteurs s’invitent jusqu’au cœur des foyers. Qui l’aurait cru ! Aux yeux de la société, des deux religions, des lois, et même de la tradition, les dépenses du foyer, sont au charge du mari. Apparemment, ceci est loin d’être le cas. Aussi bien dans les foyers adultes, que dans ceux des jeunes couples, la réalité dépasse de loin ce que l’on voit en surface. La plupart d’entre nous, vivent avec l’idée que papa, prend en charge toutes les dépenses de la famille, aussi minime soit-elle. De plus en plus, les choses prennent une autre tournure, impliquant la femme, l’épouse, la mère, qui agit dans l’intérêt commun du ménage, des enfants. Cela mérite tout de même une réflexion. La mentalité des sénégalais commence t-elle a changer dans le cadre du : « c’est le mari qui donne, la femme reçoit ».
Aujourd’hui c’est plutôt le concept : « le mari donne, la femme en rajoute, et gère le foyer de main de maître »