Qui n’a pas croisé ces hommes attifés le plus souvent en tenue de ville simples et décontractées. Ils sillonnent les artères de Colobane et de l’avenue Blaise, en remontant vers le marché Sandaga pour proposer aux potentiels clients des articles divers sortis des boutiques de la place. On les appelle des rabatteurs ou encore des marchands sans marchandises.
A Colobane et Sandaga sur l’avenue Blaise Diagne à hauteur de Keur Serigne Bi, ou les entrées et sorties intriguent le passant qui n’a jamais mis les pieds à l’intérieur de cet endroit. Ces marchands sans marchandises vous interpellent en vous demandant de quoi avez-vous besoin ? On les appelle des rabatteurs.
Leur modus operandi est simple. Ils travaillent avec des propriétaires de cantines et boutiques qui vendent divers articles le plus souvent destinés aux jeunes filles et garçons et une fois le client interpellé, les discussions s’ouvrent, ils vous proposent un tour à leurs boutiques. Avec eux, le prix est toujours double. C’est comme ça que ça marche avec les rabatteurs. Avec cette démarche, ils y gagnent et le propriétaire de la marchandise récupère son argent.
Sur l’avenue Blaise Diagne, à hauteur de Keur Serigne bi, Mbaye Faye, ce trentenaire originaire du Baol, le teint noir suant sous un soleil de plomb zénithal, court les deux côtés de cette grande avenue. Ça va grand lo beugue « Salue grand tu veux quoi ? Des chaussures, des pantalons », le tout accompagné d’un sourire qui dévoile une bouche et des dents noircis par l’effet de la nicotine. Mbaye Faye gagne sa journée avec le métier de rabatteur, il l’exerce depuis cinq ans, ce n’est pas son seul gagne-pain, il a plusieurs autres petits boulots qui lui permettent de joindre les deux bouts, mais celui de rabatteur, il l’effectue en période de fin du mois. « Tu sais à la fin du mois les poches sont pleines et les hommes et les femmes renouvellent leurs gardes robes surtout avec l’été qui s’installe, les jeunes filles et femmes font beaucoup d’achats « shopping pour les branchées », et là je leur propose divers articles comme les chaussures d’été et des tenues tout ceux qu’ils veulent je me charge les retrouver pour elles », confie cet habitant des Parcelles Assainies.
Autre marché, autres rabatteurs. Colobane, ici, c’est presque du harcèlement pour ceux qui ne connaissent pas ce marché rendus jadis célèbrent par l’efficacité de ces pickpockets. A Colobane, les marchands sans marchandises vont à la rencontre des potentiels clients ou même parfois de simples passants. Debout les mains appuyées sur les barres de grilles qui longent la route qui quitte la Place de l’Obélisque pour aller vers le rond-point Colobane, Dame Dieng, un jeune homme qui habite le quartier fait office de rabatteur pour plusieurs cantines de ce marché ou l’on trouve du tout.
A Colobane, les rabatteurs essayent de vous convaincre. « Tu veux des chaussures, viens j’ai ce dont tu as besoin, suis moi ». Arpentant les labyrinthes de ce marché, il finit par entrer dans une grande boutique et les sacs de chaussures de toutes sortes occupent le sol, difficiles de faire beaucoup de mouvements à l’intérieur. « Grand regarde ce que tu veux et je te vends à un prix qui vous convient. Il n’y a pas que des chaussures, la boutique propose divers articles d’habillement pour homme surtout ». Le marchandage, c’est leur fort, ils ne l’ont appris d’aucunes écoles de formation, juste sur le tas, mais il sait appuyer sur la fibre sensible du client et gagner sa confiance quitte même à vous vendre du toc. Ils ont la langue mielleuse mijotent-on par ici.
Mais comme tous ces métiers, on l’on va à la rencontre des clients. Celui de rabatteur à sa dose d’ingratitude. Tous les deux soutiennent que ce métier a une dose d’ingratitude. « Parfois, certaines personnes ne vous répondent même pas. Ils vous jettent un regard méprisant mais nous, nous sommes habitués à ces genres de situation », regrettent-ils.
Et pour être un bon rabatteur, il vous faut parer de cette qualité : « la patience », rassurent-t-ils.
En fait, l’effort fourni sous le sous soleil en vaut le prix, les marchands sans marchandises vous vendent au double, ou même au triple, cela dépend de la tête du client. S’il est assez malléable, les rabatteurs se frottent les mains après coups, ils versent aux vrais propriétaires son argent et la somme tirée du marchandage est leur mandat.
Pour ce propriétaire de cantine qui a pignon sur rue à Colobane, les rabatteurs sont des amis, nous travaillons ensemble. « On se connait, il arrive qu’ils prennent nos marchandises et après ils nous rendent le prix qui étaient fixés pour l’article. Il n’y a pas de souci. Les rabatteurs nous arrangent, car on ne peut être dans les boutiques et aller à la recherche des clients, assure ce jeune l’attention bien occupée par son téléphone, « l’essentiel pour moi c’est qu’ils vendent à un prix normal et qu’ils me remettent après mon argent ».
Pour les clients, « ces marchands sans marchandises sont encombrants, ils vous harcèlent même à la limite », fulmine cette jeune dame, la vingtaine le teint clair, une casquette de plage sur la tête pour se parer des rayons du soleil, dans les rues du marché Sandaga qui reçoit beaucoup de visiteurs. Le visage bien peint avec du make up, les scarifications sur les deux parties gauche et droite de sa figure révèle son appartenance peulh très citadine du reste. Et les rayons qu soleil qui percent l’ombre des branches d’arbre offre un joli reflet sur son corps à peine caché par son body.
« C’est vrai parfois, ils vous proposent des articles dont vous avez besoin. Mais, franchement, parfois, ils vous agacent quand même, ils ne vous laissent pas le temps de vérifier, de bien faire votre choix et ils vous entourent et chacun essaient de vous convaincre alors qu’en venant ici on a une idée de quoi on veut acheter. Moi par exemple, j’en connais des rabatteurs, j’ai leurs numéros et quand je suis au marché Sandaga, je les appelle pour voir qu’est-ce qu’ils me proposent comme articles entre body, pantalon », fulmine cette demoiselle aux couleurs biens cachées entre le blanc sa body et le noir de son pantalon. Le respect du code chromatique. Cette dakaroise, pimpante est une habituée des coins de ce marché en plein cœur de la capitale. Et les rabatteurs, elle les croise à tout coin de ruelle, plusieurs articles destinés à la gent féminine entre les mains.
« Les filles achètent plus que les hommes. Elles sont tout le temps au marché et elles sont plus abordables que vous les hommes. C’est pourquoi, nous disposons par devers nous que des trucs de femmes », souligne ce jeune homme debout devant la devanture d’une grande échoppe à Sandaga non loin du croisement vers la pharmacie Guigon.
A Sandaga comme à Colobane, les rabatteurs se frottent les mains, surtout en cette période de fin du mois d’été.